L'échec commercial et critique de Superman Returns en 2006 a poussé le studio Warner Bros. à reconsidérer l'approche cinématographique de Superman. Le film, bien qu'hommage aux versions classiques, a été critiqué pour son ton nostalgique et son manque d'action, ce qui n'a pas résonné avec un public qui cherchait une vision plus moderne du super-héros. En conséquence, le studio a décidé de redémarrer la franchise en confiant le petit kryptonien à Christopher Nolan.
Christopher Nolan a été choisi en raison du succès critique et commercial de son Batman Begins, sa suite The Dark Knight et son The Dark Knight Rises à venir, qui ont redéfinis le genre des films de super-héros avec une approche réaliste et sombre. La Warner Bros. a vu en Nolan la capacité de revitaliser la franchise Superman en apportant une vision plus mature et moderne, similaire à celle qui avait fait de Batman un succès mondial.
Ce n’est donc pas étonnant de le voir s’entourer de Christopher S. Goyer, avec qui il a écrit sa trilogie sur Batman, pour rédiger le scénario de l’homme de fer. Il va apporter une approche plus réaliste et complexe à l'histoire de Superman. Il va chercher à explorer la dualité du personnage en tant qu'extra-terrestre et humain, en se concentrant sur les thèmes d'identité, d'acceptation, et surtout de la croyance. Son script a donné une dimension plus humaine et philosophique à Superman, tout en conservant les aspects épiques attendus d'un film de super-héros.
Christopher Nolan va aussi reprendre le compositeur de ses Batman, à savoir Hans Zimmer. Ce dernier a l'objectif de créer une identité musicale unique pour Superman, distincte de la célèbre partition de John Williams. Il a opté pour une approche émotionnelle et épique, capturant la dualité de Superman en tant qu'être puissant, divin, mais profondément humain. Il a utilisé un mélange de cuivres puissants, de percussions dynamiques, et de synthétiseurs pour évoquer à la fois la grandeur mythique de Superman et son isolement.
Christopher Nolan s’est bien entouré, mais il ne réalisera pas le film, trop occupé à clôturer sa trilogie Batman. Cependant, avec tout le travail effectué, il reste producteur. C’est Zack Snyder qui hérite de la mise en scène.
Man of Steel reste un film fortement inspiré de Batman Begins, The Dark Knight ou The Dark Knight Rises avec leur approche similaire, cherchant à ancrer le personnage dans un univers plus réaliste et sombre. Cette vision se manifeste à la fois dans la mise en scène, avec une esthétique visuelle plus sobre et sérieuse (alors que nous avons Zack Snyder derrière la caméra), et dans le scénario parsemé de flashbacks et qui se concentre sur le développement psychologique du héros, en posant des questions sur sa place dans le monde et les dilemmes moraux auxquels il est confronté.
Man of Steel sort en 2013, seulement sept ans après Superman Returns.
Moïse réincarné, Christ en devenir, éjecté de Krypton comme une bouteille à la mer dans l'espoir qu'il connaîtrait la vie que son peuple, à force de cupidité et d’expansionnisme interstellaire, n'allait être en mesure de lui assurer. La planète d'origine du super-héros est un monde dangereusement totalitaire où les individus naissent dans des éprouvettes, destinés à des rôles particuliers de scientifiques, de soldats, d'ouvriers. Krypton est à l'image de la Terre et vice-versa comme Dieu est l'image l'Homme. Le parallèle omniprésent entre la religion chrétienne et Superman enrobe le film d'un lyrisme prêt-à-porter qui affiche ses couleurs dès le premier plan : la naissance de Kal El, le premier kryptonien né naturellement depuis des siècles, l'homme qui aspirera à autre chose et dont la quête cosmique de réinvention de soi sert d'allégorie inépuisable au rêve américain.
Envoyé sur Terre par son père pour qu'il échappe à la destruction inévitable de sa planète et au courroux du général Zod, Kal El est élevé par un père et une mère terrestres qui, à l'image de Joseph et Marie, lui apprennent à s'intégrer au monde des humains. Si ses rayons X lui causent des maux de tête insupportables, c'est surtout lorsqu'il se restreint d'user de sa force face aux brutes de l'école qu'il crise. Ce surhomme, plus que tous les autres du cinéma, recèle en lui une force monumentale qu'il souhaite à tout prix partager pour défendre les démunis. Ayant les moyens de ses ambitions, il est l'homme indestructible par excellence, celui qui retrouve dans son humanité la vulnérabilité qui lui permet, contrairement aux sbires de Zod, d'être sensible à la morale et à donc à nous, êtres de la morale civique.
Plus que Christopher Reeve qui représentait un archétype américain aujourd'hui vétuste, plus encore que Brandon Ruth, homme d'acier ankylosé par la nostalgie, Henry Cavill est un mastodonte de muscle et d'innocence qui ne rime pas avec naïveté. Sa curiosité à comprendre ses confrères humains le restitue à sa position d'extra-terrestre et favorise l'incorporation des codes de la science-fiction dans le film.
À bien des égards, l'hybridité entre le film d'action, la science-fiction et le récit d'apprentissage atteint de rares sommets alors que durant la première heure les prouesses héroïques alternent avec des flashbacks de l'enfance de Clark Kent. Le metteur en scène place méthodiquement les pièces les plus importantes de la mythologie de Superman et clôt son récit des origines par un dernier plan qui laisse rêveur pour la suite.
Tous ces films, auquel Man of Steel emprunte Christopher Nolan pour assurer la bonne conduite de la production, Zack Snyder les émule avec un talent indéniable, reléguant cette fois-ci sa griffe de l'image ralentie, puis rapidement accélérée. Avec l'aide de ses excellents acteurs, il opte au contraire pour une approche réaliste en se reposant sur des plans de caméra à l'épaule, des close-ups rapides lors des envolées et une attention remarquable à l'utilisation du son et à la bande sonore de Hans Zimmer. Par une direction photo grise et bleue, Zack Snyder réitère l'appartenance de l'homme d'acier à cet univers qu'il rapproche du nôtre avant de le soumettre à l'invasion du général ennemi. Au final, son Superman n'est pas plus réaliste pour le plaisir du style, mais plutôt parce qu'ainsi, il est, plus que jamais, à notre image.
Les différents procédés de transfigurations que le film met en scène, des plus subtils aux plus balourds, est résumé par des voix-off qui commentent l'ascension d'un héros plus grand que nature, nous donnant à la fois une impression de détachement, mais aussi d'identification grâce à Lois Lane. De loin, mais aussi de très près, nous apercevons donc ce Superman s'envoler, aller à la rescousse d'un monde tangible que l'on entend et voit respirer, un monde où le lyrisme et les légendes font désormais définitivement partie du quotidien.
À 33 ans, l'âge du Christ, Clark Kent est né à nouveau, ressuscité lui aussi, mais cette fois par une nouvelle tradition où la persona d'acteurs de renom compte autant que l'impressionnante avalanche d'effets spéciaux qu'on nous sert dans un finale ambitieux. Comme de nombreux récits des origines, celui-ci pèche néanmoins dans l'exposition et dans la réintroduction du héros, chaque nouveauté éclipse ainsi un souvenir, chaque trouvaille nous laisse désirer une nostalgie qu'on peine à retrouver. Dieu solaire, Superman a malheureusement tout le sérieux d'un prêtre, esquissant rarement un sourire, préférant jouer la carte de l'élu jusqu'au bout de son chemin de croix. Considérant les origines enfantines du personnage et son attachement à une génération toujours plus jeune de spectateurs, voilà un super-héros probablement trop adulte pour la simplicité de ses idéaux.
Malgré ses lacunes, Man of Steel possède un pouvoir d'émerveillement. Au fil du tempo de plus en plus accéléré du film, au fil des coups de poing qui tonnent comme la foudre, des roulements de caisse claire et des timbales de Hans Zimmer, tout le grand plan de la Warner et de DC Comics se met en place pour nous donner le Superman d'une nouvelle ère : un héros parfait jusque dans ses imperfections, tellement mortel qu'il en devient divin, tellement droit qu'il ne peut être qu'exemplaire.