Bel été sud-coréen que fut 2016, nous vengeant admirablement d'une actualité ciné bien morne entre remakes, reboots, suites tardives et autres pétards mouillés. Aux côtés du remarquable The Strangers et d'un Dernier train pour Busan que je pourrais rattraper sous peu, se pointe donc ce Man on High Heels, sorti plus "confidentiellement" (disons qu'il a eu une distribution encore plus modeste que les deux autres) mais lauréat du Grand Prix du Festival international du film policier de Beaune.


Débutant comme une version bien vénère de A Bittersweet Life, avec baston ultra-stylisée et héros charismatique en diable, le film de Jang Jin bifurque rapidement vers autre chose tout en restant bien ancré dans la tradition du film noir. Bien plus que de l'action (rare, au final), Man on High Heels offre surtout un personnage fort, dont la quête identitaire et le passé douloureux seront au coeur d'un film atypique, bancal à plus d'un titre mais ô combien sincère.


Car si Jang Jin n'a pas peur d'un faire trop à travers une mise en scène appuyée, certes efficace et soignée mais frôlant plus d'une fois un kitsch volontaire (notamment en ce qui concerne des flashbacks abusivement nombreux et longs, à la limite du drama), la tenue formelle que l'on pourra juger extravagante est sans cesse contrebalancée par la délicatesse et l'intelligence avec laquelle le cinéaste observe son anti-héros. Malgré son sujet extrêmement casse-gueule (un flic cherchant à devenir définitivement une femme), Man on High Heels ne sombre à aucun moment dans la caricature, dans la parodie involontaire, rendant pour le coup l'aspect presque bipolaire et branlant de son approche infiniment précieux, jusque dans ses défauts.


S'il peine à certains moments à rendre sa partie polar réellement passionnante, la faute principalement à des seconds rôles bouffés par l'aura de son protagoniste principal et à une intrigue parfois confuse, Man on High Heels fascine quand il s'amuse à déconstruire la figure presque mystique du héros badass, s'interrogeant sur le principe même de virilité à travers le regard des autres, où l'admiration purement masculine se teinte d'une certaine attirance inconsciente.


Sacrée révélation en ce qui me concerne, d'un charisme absolu et d'une justesse que l'on ne peut que saluer, Cha Seung-Won traduit à merveille la dualité et les fêlures de son personnage, tout à la fois beau, sensuel, délicat, sensible et pure machine à fracasser de la glotte. Le bougre bouffe la pellicule à chacune de ses apparitions, me donnant presque envie de changer d'orientation rien que pour ses beaux yeux.


Bien qu'un peu long et constamment sur le fil, à deux doigts de s'effondrer, Man on High Heels est un objet étrange mais attachant, aussi sincère dans sa façon de traiter son sujet qu'outrancier dans son illustration. Mais aussi fragile soit-il, l'édifice a de la gueule, proposant une vision pertinente de la masculinité dans toute sa splendeur (et donc dans son acceptation de sa part féminine), portée par le talent indéniable de son acteur principal.

Créée

le 31 août 2016

Critique lue 966 fois

25 j'aime

2 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 966 fois

25
2

D'autres avis sur Man on High Heels

Man on High Heels
Quenotte_LeLapin
8

Subversion quand tu nous tiens !!!

Dans le genre film subversif, je dois avouer que les coréens une fois de plus, "m'en ont bouché un coin" !!! Non mais vraiment où vont-ils chercher tout ça ??? Déjà l'histoire sort de l'ordinaire...

le 29 nov. 2014

16 j'aime

4

Man on High Heels
Foulcher
5

Un film qui reste globalement en surface

Au début du visionnage, le film semblait avoir pas mal de cartes en mains pour réussir : scènes d'actions stylées, décors sombres au tournage quasi-cyberpunk, style quasi-Yakuza (je parle du jeu) du...

le 14 sept. 2016

9 j'aime

2

Man on High Heels
mymp
6

Mauvais genre

En Corée du Sud, ils doivent avoir un laboratoire ultrasecret dans lequel ils fabriquent des réalisateurs ultra doués qui font des films ultra sensas. Jin Jang par exemple. Encore inconnu ici (mais...

Par

le 1 août 2016

9 j'aime

1

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

269 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

212 j'aime

20