C'est une véritable merveille que ce retour de Milos Forman à sa légèreté tchèque (j'ai d'ailleurs pu voir le film à Prague à sa sortie, et c'était particulièrement enthousiasmant...), avec un Jim Carrey littéralement possédé par son rôle. "Man on the Moon" s'attache au mystère de ce personnage contradictoire que fut Andy Kaufman, en brouillant les pistes, en le montrant à la fois insaisissable et totalement transparent dans sa densité même. Constamment sur le fil, ébouriffant sans jamais chercher à être efficace, tout à la fois joyeux et morbide, transgressif et tranquille, voilà un certes film "hollywoodien" (du point de vue formel, Milos Forman ne prend aucun risque), mais complètement ravagé de l'intérieur. "Man on the Moon" est sans doute le reflet le plus exact de ce que l'on appelle "l'illusion" au cinéma, et Forman a compris que sentimentalisme exacerbé et biopic n'ont jamais fait bon ménage : la sincérité et le non conformisme d'Andy Kaufman ne sont jamais ici explicités, mais suggérés. Construite de manière à plonger le spectateur dans un gouffre aux chimères, la mise en scène de Forman présente un Kaufman totalement hors normes, d'une gentillesse sans limite (voir par exemple la séquence du concert de Carnegie Hall) et qui fut broyé par un système qu'il n'a jamais pu maîtriser. Oui, un film merveilleux, tout simplement... [Critique écrite en 2000]