Critique très subjective et plus du niveau de l'opinion que de l'analyse, d'ailleurs. (w/spoiler)
Quand le film a commencé et que les 30 premières minutes se sont écoulées, j'étais déjà déçue. Je me suis dit que j'allais devoir passer 2h18 devant un film tristement ennuyant et sans intérêt particulier. Je pensais que mon avis resterait inchangé et irrévocable. Les questions qui m'ont suivie au début du film étaient : "Où le réalisateur veut-il nous amener ? Quel était l'intérêt pour lui de mettre en oeuvre des heures de travail, d'engager autant de gens etc.. pour ce film ? Qu'est-ce qu'il a à nous donner ou nous montrer ?" et après cette première demi-heure et quelques, j'ai compris.
Manchester by the sea n'est certes pas un film qui nous apprend des choses sur un sujet spécifique, qui expérimente de nouvelles techniques cinématographiques ou qui change notre vie, mais ça reste un film bouleversant et très subtile dans sa manière de filmer. Tout est très naturel, les acteurs s'effacent facilement pour devenir de simples humains qui racontent leur histoire. Le drame principal qui touche la famille de Lee et de Randi est terrifiant et insupportable. C'est le genre de faits divers dont on se dit qu'on ne pourrait pas imaginer la réaction que l'on aurait si ça nous arrivait. J'ai vécu très fort les émotions des personnages et je me suis sentie investie par leurs comportements et leurs discours. Le réalisateur prouve qu'il sait montrer que lorsqu'une tragédie vient toucher la vie d'individus ou de familles, les réactions sont imprévisibles, frôlant parfois la violence spontanée (la tentative "inattendue" de suicide de Lee au commissariat de police parce qu'il ne supporte pas de ne pas être puni) ou l'indifférence, indifférence qui ne fait que masquer la faille intérieure qui se forme insidieusement et qui gèle tout le système. Lonergan permet de soulever simplement, sans faire d'analyses psychologiques lourdes et clivantes, la question de la mort/du deuil face à laquelle se mêlent croyances, émotions et tentatives de rationaliser pour mieux accepter. Car la vie continue évidemment pour ceux qui restent et les souvenirs et regrets sont encore vivants.
Même si c'est un film assez classique, qui ne sera pas le film le plus incroyable de tous les temps, c'est un beau film (belle photographie, jolis paysages enneigés, oscillant entre des teintes de bleu, de blanc et de gris) un film qui ne tombe pas dans la corbeille de la comédie pseudo-tragique et surjouée, avec un montage plutôt bien fait (mention spéciale aux flashback sans artifice, très bien amenés et qui ne perturbent pas le rythme et la cohérence du déroulement de l'histoire.)