Une petite ville pavillonnaire anglaise enneigée, Lee, la quarantaine bien pesée, s'emploie à rendre des services en tout genre, à la population locale : déneigement, travaux de plomberie, réparations... mais ce qui le caractérise, c'est qu'il a l'air vidé de son contenu, que le contact humain avec ses interlocuteurs est totalement dénué d'empathie, que tout lui semble dérisoire, comme s'il était privé de lui-même ! La caméra est particulièrement habile à nous montrer tout en subtilité, la vacuité de son esprit... on s'interroge !
Un appel téléphonique lui annonçant la mort de son frère à Manchester, l'oblige à se rendre là-bas, pour un plongeon dans son passé et dans des souvenirs insoutenables ! Une problématique va pourtant s'imposer à lui : dans son testament, son frère lui demande de prendre en charge son fils Patrick de 16 ans, jusqu'à sa majorité. Jeune homme sympathique, au demeurant.
La plongée brutale de Lee dans son passé terrifiant, va ranimer impitoyablement ses souvenirs et lui imposer un pélerinage intérieur, dont on va détecter, moins par les mots que par les expressions du regard, tous les tourments... le talent du réalisateur et le jeu tout en retenue de Casey Affleck, nous présentent avec une précision de génie, l'âme cliniquement morte de Lee et le constat implacable de la nécessité de vivre quand même, une vie sans soleil, sans lumière, sans espoir et lourde du poids de la culpabilité... Certes, une toute petite lueur indicible au bout du tunnel, dans la dernière scène, concrétisée par quelques coups de pieds dans un ballon et un vrai petit sourire échangé avec son neveu... mais c'est une épreuve dont on ne peut pas se remettre !
Pas une fausse note dans ce langage cinématographique qui économise les mots, pour se focaliser sur l'exploration des états d'âme. J'ai relevé une scène éminemment touchante et juste : la rencontre fortuite de Lee avec son ex-femme qui tente de lui implorer son pardon...
Voilà un mélo qui n'a pas besoin d'avoir recours aux ficelles habituelles du genre pour vous tirer les larmes …juste le talent du réalisateur et le jeu de Casey !!!
Un moment très fort de cinéma !

Juliette-Cinoche
9

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Créée

le 25 déc. 2016

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