C’était l’une des grosses attentes de la croisette et la Quinzaine des réalisateurs de ce festival de Cannes 2018 nous a encore ébloui. Après Les Confins du monde de Guillaume Nicloux, Le monde est à toi de Romain Gavras, c’est autour de Mandy de Panos Cosmatos, et un Nicolas Cage survolté, de pulvériser la concurrence, dans ce film de vengeance gore et baroque à souhait. Oui, la Quinzaine de cette année est « the place to be » de ce festival.
Sur le papier, l’alliance entre les deux faisait saliver, et c’est peu de le dire. On pensait à l’esthétique baroque de l’un, au jeu d’acteur outrancier et vociférant de l’autre, et à la violence que cette coalition pouvait amener. Et, par miracle, le résultat est presque au-dessus de nos espérances, nous abreuve d’une générosité déconcertante. De la joie à n’en plus finir. Panos Cosmatos a parfaitement intégré Nicolas Cage dans son environnement et inversement : la première heure du film est la démonstration de tout l’art de Panos Cosmatos.
Des plans esthétiques 70’s qui s’étirent à n’en plus finir, une fantasmagorie psychédélique chamanique, une musique symphonique étourdissante, des jeux de lumières criards, des monstres que l’on croirait tout droit sortir de Hellraiser et un scénario de série Z : Panos Cosmatos n’a pas changé d’un centimètre depuis Beyond The Black Rainbow, au grand bonheur des fans du bonhomme.
Puis suite à la mort de sa dulcinée, car oui Mandy est un film de vengeance, Nicolas « Steven Seagal » Cage va devoir tuer tous les responsables de cette barbarie démoniaque. A partir de ce moment-là, et même si l’œuvre garde son esprit baroque et son style visuel toujours aussi impressionnant de virtuosité, Nicolas Cage devient le patron des lieux et se mue en véritable Viking : il fracasse tout sur son passage, à grands coups de haches, avec son exubérance habituelle. Il crie jusqu’à l’extinction de voix, pleurniche en slip tout en s’enfilant une bouteille de vodka dans le gosier, lance des punchlines en démembrant ses victimes, allume sa cigarette sur une tête coupée, et se fait une ligne de coke juste après une éviscération.
Ça, c’est notre Nicolas Cage sous LSD comme on l’aime. Le film se veut gore, lugubre et horrifique, et il l’est. Mais Mandy est surtout jouissif : ce cinéma de genre, qui assume l’étendue de son potentiel drolatique à son insu, et en devient donc un pur exercice de style, à la fois de metteur en scène mais aussi de directeur d’acteur. Car le rôle était écrit pour Nicolas Cage, qui parfois prend des faux airs de Bruce Campbell version Evil Dead : c’est un tel plaisir de voir cet acteur autant s’amuser, de jouer de sa notoriété et surtout, de sa (mauvaise) réputation. Mandy est un film méta qui devient un parc d’attraction pour tout fan de Nicolas Cage.
Mais au-delà de l’acteur, Mandy est un ovni qu’on ne voit quasiment jamais sur nos écrans, grâce à un cinéaste pas assez prolifique à nos yeux. Certes, les tics sont clinquants, et l’appropriation des codes du genre un peu trop forcée mais Panos Cosmatos a cet amour du cinéma bis et lui rend bien. Et c’est beau.
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