Jean-Charles Hue avait finalement beaucoup trop de choses à dire pour laisser les Yéniches, communauté gitane de Picardie qu'il avait mis en scène dans son premier film La BM du Seigneur. Ces gens du voyage sont à nouveau au cœur de son second film qui lorgne davantage du côté de la fiction.
Jason Dorkel a 18 ans et un choix de vie à faire. Son cousin l'incite à prendre le chemin de Dieu tandis que sa famille le prédestine à la carrière de ''chouraveur'', vivant de petits vols et d'arnaques. Lorsque son frère Fred réapparaît après 15 ans de prison, le second choix s'impose de lui-même. Lui devant dette éternelle après avoir été en partie élevé par son grand frère, Jason n'hésite pas à le suivre pour un gros coup.
Fréderic Dorkel, héros du premier film de Jean-Charles Hue, revient ici dans un rôle à l'antithèse de La BM du Seigneur. Difficile de savoir s'il s'agit d'une suite, en tout cas le Fred de Manges tes morts a perdu toute croyance religieuse et chourave plus que jamais. La religion n'a cependant pas totalement disparue, elle est toujours au cœur du film de Jean-Charles Hue. Si Fred a perdu la foi qu'il avait acquise dans la BM, il est devenu une sorte d'icône christique. Jason, qui hésitait à se baptiser, fait la rencontre d'un autre Dieu : son frère qui apparaît à lui dans une scène extraordinaire devant un soleil scintillant tel un saint. Fred prend alors la place pour Jason du chien qui l'avait tant chamboulé dans la BM.
Outre ces similitudes christiques, Manges tes morts se distingue à plus d'un titre du premier film. Le scénario de Manges tes morts n'a plus la verve semi-documentaire du premier film. La sortie nocturne de ses personnages a des aires de chevauchée fantastique faisant de Manges tes morts un véritable petit western rythmé à la manière d'un film d'action. Malheureusement ce second opus n'a pas l'éloquence de la BM et perd inévitablement en surprise.
L’œuvre de Jean-Charles Hue continue sa route auprès des caravanes des Yéniches et prend le chemin de ce qui ressemble à un beau projet de cinéma. On attend le prochain avec curiosité en espérant que le cinéaste réussira une nouvelle fois à se réinventer.