Resté longtemps pour ses courts-métrages un secret bien gardé du circuit festivalier, Dustin Guy Defa, pour son second long-métrage, reprend l’un d’entre eux, resserré sur un nombre restreint de personnages, en une heure et demie. Le résultat, correctement dirigé, déçoit cependant. Le problème n’est pas tant ce qu’il y a mis que ce qu’y est éludé par une exécution impersonnelle.


La majeure (et approximativement seule) réussite de Person to Person ne tient pas à Dustin Guy Defa mais Ashley Connor. Une exquise photographie automnale, un 16 millimètres griffé au rendu onctueux, captant la lumière basse et chaude servant désormais de signature à un cinéma indépendant new-yorkais dont le film paraît malheureusement plutôt être la parodie. Lumière comme empruntée à un – fort meilleur – film, également projeté à Locarno, en 2014 : Listen Up Philip. Si Defa se montre réticent à se revendiquer de Woody Allen (bien qu’une partie de son intrigue évoque vaguement Meurtre Mystérieux à Manhattan), plus inspiré qu’il est au fond par la comédie chorale d’un Wayne Wang ou la branche Tomine/Clowes de l’indie-comics, ce peut être du fait que la filiation ne soit pas directe. L’esthétique que sa chef-opératrice continue dans un sillon contemporain, devait initialement à Allen (un titre en particulier : Maris et Femmes, d’une férocité à l’opposé du désir, en fait assez antipathique, de récolter la sympathie du film ici critiqué), mais s’est depuis ramifiée dans la production alternative de la Grosse Pomme. Elle est un acquis dépassant désormais qui l’a initié, dont faire un usage inspiré ou non. Person to Person manque de la pugnacité émotive qui contrasterait avec ce rendu doux, tandis que son amabilité apparente tient plus au désir, maladie de l’époque, d’être désespérément apprécié. Ce manquement est d’autant plus déconcertant que le film ne manque pas, sur le papier, de comportements répréhensibles ou de situations compromettantes… mais qui semblent lissés, détachés d’enjeux réels.


Sur quelques heures, plusieurs histoires s’entrecroisent. Pour son entrée dans un journal local, Claire (Abbi Jacobson) doit accompagner Phil (Michael Cera) couvrir un fait-divers, ce qui les amènera à suivre la veuve (Michaela Watkins) de l’homme assassiné, impliquant au passage un commerçant solitaire (Philip Baker Hall) auquel celle-ci a fait réparer une montre à l’importance décisive. L’essentiel du temps de Claire et Phil est passé dans la voiture de ce dernier, amateur de métal faisant subir son environnement sonore à la jeune intimidée (rare moment véritablement drôle, après qu’il lui ait fait répéter ad nauseam avec lui le refrain SUCK! SUCK! SUCK ON GREED!, elle hasardant : « Is the title of the song SUCK ON GREED ? »). Claire, se découvrant gênée par l’absence de décence impliquée par leur « reportage » voyeuriste, décide en fin de journée de changer d’orientation, au grand dam de son récent co-équipier, désespéré de gagner sa sympathie. Le craquage de Cera implorant sa compagnie (sur le mode : « pourquoi personne ne m’apprécie ? ») est à la fois une critique que le film adresse au personnage (incarné par un comédien devenu l’emblème, partiellement consentant, d’une forme de popularité douteuse et quémandeuse) et une situation pointant à l’exact problème du long-métrage en son métier.


À ce premier fil narratif se mêlent trois autres (quatre à compter les échanges du boutiquier avec un ami du quartier). Wendi (Tavi Gevinson) et Melanie (Olivia Luccardi) sèchent chez la seconde, qui s’apprête à faire venir son petit-ami et un quatrième larron contre les désirs de la première, qui ne pense rien de bien du prétendant convié. Laissée en compagnie de la quatrième roue du carrosse elle se surprend, en dépit d’une orientation habituellement différente, à ne pas être insensible à son égard. Deux colocataires, Bene (Bene Copersmith) et Ray (George Sample III) vivent chacun une journée chargée. Bene, collectionneur de vinyles, affublé ce jour d’une chemise neuve trop criarde pour qu’il l’assume sans insécurité, part à la conquête d’une rareté de Charlie Parker pour se voir roulé dans la farine, Ray doit assumer les conséquences d’avoir balancé sur le net des photos compromettantes d’une fréquentation lors d’une crise. Pris ensemble ces arcs impliquent vol, coups, espionnage, destruction de biens d’autrui, atteinte à la vie privée… et un meurtre comme prémisse à une aventure. Bon an mal an, tout se résout toutefois pour les principaux intéressés – ceux dont le point de vue était initialement adopté.


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Cygurd
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le 15 août 2017

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Film Exposure

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