Un remake en 2012 de Maniac, un classique du cinéma d'horreur mais que je n'avais pas tant apprécié. Scénarisé par Aja et son collègue Grégory Levasseur, à qui on doit "Haute tension" et "Mirrors", très mauvais. Déjà il n'y avait pas de quoi me tenter.
Dans une interview pour Cannes, l'un des auteurs disait que le film original avait été une sorte de révolution en son temps, et afin de faire de même avec ce remake, il a été décidé qu'il soit entièrement en vue subjective. Du bullshit, aucun rapport entre les deux pour moi, même ce type d'effet ne causerait pas un impact semblable à celui du premier film.
Et pourtant au final, c'est essentiellement ça qui m'a poussé à voir Maniac version 2012. En plus de la bande-annonce attrayante.
Le film débute, des jeunes femmes sortent d'un club (ne les a-t-on pas prévenues de ne pas sortir ce soir ?), certes la scène est filmé de loin, mais tandis que les évènements se déroulent, j'en avais déjà oublié le principe du film. La voix de Frank, le personnage d'Elijah Wood, est comme un rappel sur terre, qui remet les choses dans leur contexte : on est dans son subjectif.
Tandis qu'il suit sa proie, on l'entend respirer, sans que ce soit aussi gênant et lourd que dans d’autres films, et on se marre gentiment à l’entendre sortir des phrases typiques du voyeur pervers qui se délecte de la peur qu’il instille.
"Please don’t scream, you’re so beautiful" dit Frank une fois tout proche de sa victime. Et "so beautiful", ça décrit très bien ce moment : j’ai savouré avec lui ce premier meurtre, parce qu’il se déroule dans la continuité d’un long plan en subjectif, parce que l’effet spécial est étonnant, et parce que la femme, au moment de la mort, se retrouve figée dans une certaine beauté macabre.
Maniac est très cru, grâce à l’alliance du subjectif, qui apporte continuité et plans très rapprochés correspondant au regard du personnage, et des FX incroyables. La scène d’étranglement puis de scalp est saisissante. On croirait du snuff, au final. J’ai beau adoré Tom Savini, il est largement vaincu ici : on voit vraiment bien la viande humaine qu’on tranche, qu’on arrache. On croirait voir un morceau de boucher se faire découper… sauf que c’est la tête de quelqu’un.
C’est dégoûtant tellement c’est réaliste, et par conséquent pour moi c’était jouissif. Encore mieux quand je voyais que mon voisin se couvrait à moitié les yeux. J’adore assister à ce genre de réaction.
Me suis demandé plusieurs fois comment c’était fait. Dans un plan sans aucune coupe apparente (enfin, aucune coupe de montage je veux dire, parce que sinon…), voir quelqu’un se faire lacérer le dos, être noyé, … vraiment impressionnant.
On ne sort de la vue subjective que deux fois, quand Frank n’agit plus en étant lui-même.
Avec un tel principe à la base de Maniac, on aurait pu s’attendre à du travail aussi bâclé et hasardeux que dans certains films à caméra portée. Pas du tout.
Il y a des idées sympas reposant sur le subjectif (le miroir au-dessus du lit), et le cadre est très bien pensé, de même pour la position et les déplacements des acteurs, afin qu’on voie toujours bien l’action (la 1ère victime montant les escaliers), ou qu’on ait une composition exprimant quelque chose. Je pense au plan où l’on voit Frank dans un miroir dans un miroir, mais surtout à la séquence de rencontre avec Anna. Alors que Frank lui parle à l’entrée de sa boutique, le personnage est à l’intérieur mais on ne voit que la rue au-dehors, ensoleillée. Lorsqu’il propose à Anna de rentrer dans le magasin, il se recule, le personnage invitant ainsi à entrer, et en même temps fait voir sur les côtés du cadre l’intérieur, tout à fait sombre. Anna n’a qu’à faire quelques pas pour rentrer, et la voilà déjà dans l’ombre, pénétrant dans le magasin de Frank, mais aussi son monde de ténèbres.
Pour rendre l’intériorité de Frank, il y a également un super travail sur les bruitages, la musique déstabilisante, les effets visuels et les images troubles. Lors des scènes de colère du héros, ça devient vraiment intense.
J’ai vraiment eu l’impression avec ce film-ci que les scénaristes s’étaient efforcés de se mettre dans la tête du tueur, et pas seulement parce qu’on voit la même chose que lui. J’ai trouvé qu’ils visaient juste, même s’il est toujours difficile de rendre dans un film ce que peut penser ou ressentir un fou, sans virer au ridicule ou au cliché.
On retrouve le thème de la frustration sexuelle, mais ça ne m’a pas dérangé : la plupart des serial killers souffrent d’une affliction du genre, et le fait que Maniac pousse ça un peu plus loin, osant un peu plus, m’a plu. Plusieurs fois, de différentes façons, l’orgasme est mis en lien avec le plaisir du meurtre.
Par contre l’histoire de la mère castratrice, j’ai trouvé ça un peu plus facile, limite lourd par moments.
Je comprends que certaines personnes trouveront ce film cliché dans sa représentation du tueur, mais je pense qu’il est impossible de le faire correctement, tout comme il est impossible de montrer de façon suffisamment crédible comment quelqu’un a viré dans ce type de folie ; mais j’estime que Maniac s’en sort beaucoup mieux que tout ce que j’ai vu jusque là.
Et quel soulagement d’avoir un personnage principal timide, mais pas totalement muet non plus (pas comme dans… Dead shadows, par exemple, aussi programmé à L’étrange festival). Frank est tout à fait crédible, aux moments où il ne répond pas, on devine un blocage chez lui, mais on voit qu’il fait tout de même des efforts et qu’il n’est pas une caricature du tueur asocial. Parfois je me suis dit qu’il arrivait à être un peu comme tout le monde, d’autres fois, qu’il sortait des phrases-clés qu’il avait dû entendre ailleurs, afin de passer pour quelqu’un de normal ; en tout cas, on voit qu’il fait des efforts avec les gens.
Il se rend même sur internet pour trouver ses victimes, une idée que j’ai apprécié.
Quand j’avais appris qu’Elijah Wood avait été casté pour jouer Frank, je trouvais ça absurde, en ayant le souvenir de Joe Spinell et sa sacrée carrure. Finalement c’est un traitement totalement différent du tueur en série, et probablement plus intéressant, que nous apporte ce remake de Maniac.
Contrairement à ce que Frank a vu dans Le cabinet du Dr Caligari, pas de happy end pour lui. J’étais un peu triste. J’aurais voulu qu’il vive heureux, tout en se complaisant dans son vice. Pourquoi n’aurait-il pas droit au bonheur, le pauvre ?
Néanmoins, les deux séquences finales sont extraordinaires.
Là encore, choc visuel dément, FX incroyables qui servent d’autant mieux la symbolique gore grâce à laquelle les scénaristes s'expriment.
Maniac 2012 m’a conquis. "Jouissif", c’est le mot qui m’est venu à l’esprit ; j’ai pris autant de plaisir à voir ce film que Frank à tuer de belles jeunes femmes.
Ne pensez pas trop à l'original, le Maniac de Franck Khalfoun est un film à part entière.
(et puis ce film a fait monter les marches de Cannes à William Lustig, c’est pas rien)