Rendons grâce à TV5 Monde d'avoir programmé début 2021 ce naufrage cinématographique en période de pandémie. Et de nous consoler ; nos ancêtre du lendemain de la seconde guerre mondiale avaient dû endurer pire avec ce genre de pensum cinématographique resté sans antidote ! On plaindra de tout coeur ceux qui ont dû payer pour être roulés dans le sable grossier avec ce film consternant !
Ca commence avec un titre faussement racoleur arborant goulûment "sans voiles" : de quoi faire saliver les voyeurs candidats à cette non-aventure. Et leur laisser espérer se rincer l'oeil avec une nana en tenue d'Eve... On n'en verra qu'une, mais en bikini "éco", c'est à dire propre à ne nécessiter qu'un minimum de lessive pour son nettoyage. Le string n'était pas né.
Pourtant, B.B. n'avait pas encore la réputation sulfureuse d'exhiber volontiers ses attributs féminins sans réserve, comme par la suite dans le "Mépris" où elle se dévoile "artistiquement" sans pudeur en montrant son "beau cul" et ses "seins qui sont bien" (Je la cite)
Certaines affiches-annonces du film berçaient du reste ces illusions en nous suggérant les images d'une naïade dénudée en haut d'un littoral paradisiaque.
Quant au prénom de la "pin-up" héroïne du film (on les appelait comme ça à l'époque), on se demande où Willy Rozier, réalisateur coupable du film, est allé la pêcher ?
Tiens parlons-en de celui-là, tombé dans l'oubli le plus total malgré 38 films dont aucun n'aura traversé les générations... Né en 1901 et mort à Neuilly à 83 ans, c'était un self-made-man du cinéma dont on sait bien peu de choses... En plus de la mise en scène, il sévissait aussi sur le grand écran comme scénariste, producteur, et même acteur. Et en général à trop vouloir en faire....
Et c'est justement le cas ici où il nous a concocté ici une histoire fadasse, destinée uniquement à servir d'alibis à des prises de vues dans des endroits paradisiaques (à l'époque) : jugez du peu, l'équipe de tournage a successivement visité Nice, Bonifacio, Tanger, Cannes... et pas Bray-Dunes ! Et ce du 30 juin au 31.08 : "y'a pas à dire" : Rozier savait organiser son plan de travail et le conjuguer au plaisir du tourisme vacancier...
L'aventure censée nous appâter est d'une densité telle qu'on pourrait la résumer en deux lignes, et un mot : nul ! Le script est crédité de Xavier Vallier qui n'est autre que le réalisateur lui-même. Pourquoi ce pseudo ? Avait-il honte ? Suivait-il les conseils de son expert-comptable pour échapper au fisc ?
Et pour donner vie à ce récit abracadabrant, un casting tout aussi riquiqui...
Passons sur Bardot qui nous fait des débuts pitoyables : c'est son second film et on sait qu'elle n'aimait pas le cinéma. Mais de tous les acteurs de la distribution, aucun n'aura fait une carrière transcendante : les cinéphiles avertis se souviendront peut-être de Raymond Cordy à la bouille sympathique et qui, sans avoir la notoriété d'un Gabin, possédait une filmographie presque aussi longue que la liste de nos impôts. Impressionnante, mais toujours des petits rôles...
Vous l'aurez deviné : Rozier est aussi le producteur de ce film sous-marin concocté à l'économie : la bande son est exécrable, on entend parfois le ronron des pignons de la caméra, le bruit de la musique couvre parfois les dialogues, certains fondus-enchaînés ou changements de plans sont loupés.
Quant à la séance de" pêche au coup" portuaire, on a doté les figurants d'un sommaire manche à balai au bout duquel pendouille une ficelle propre à remonter une baleine : de quoi faire frémir les spécialistes de cannes au carbone, et fil ultra-fin invisibles que ce sport requiert de nos jours.
Encore et toujours du médiocre ou mauvais au service du "vite fait, et pas cher"... On sait que les spectateurs de l'époque n'étaient guère exigeants...Comble de l''avarice, habituellement, les décors ferroviaires se déroulent souvent dans des voitures pullman, wagons-lits (comme la Madone) où à tout le moins de 1° Classe. Ici, la pingrerie a poussé à ne réquisitionner qu'une vieille voiture Roma-Irun de 3° classe, qui disparurent qu'en 1956..
.On finit par rire non à cause de l'humour fin distillé, mais tant la projection recèle de franches débilités. Le scénario est si creux qu'on aura droit à trois interruptions pour cause de chansons-scies propres à donner des acouphènes au public... Il faut bien gagner du temps comme on peut.
Anecdotiquement, cette chasse au trésor de Trolius (ce n'est pas moi qui le dit mais Rozier) est tournée en noir et blanc et on ne verra pas le sable doré, les eaux turquoises on n'aura même pas droit au chant des cormorans, le soir, au dessus...
Mieux vaut revoir la saga des films du commandant Cousteau si on aime découvrir l'espace sous-marin ...
Pas moyen non plus d'apprécier la couleur pain d'épice de la peau de notre BB, patinée par le soleil.
Et pourtant cette année-là, que de pépites en matières de bons films !
Tandis que "Les mines du roi Salomon" culminaient en tête du box-office" (une chasse aux trésors couronnée de succès celle-là", avec plus de 7 millions d'entrées en salles françaises) on exploitait avec succès "Topaze", "Samson et Dalila" -ne pas interpréter "Dalida"- "Caroline Chérie", "Alice au pays des merveilles"...
Cette aventure n'en sera pas une, dédiée semble-t-il au circuit des "cinémas de quartiers" peu chers et peu exigeants, mais aussi rentables que peu regardants sur la qualité.
"Les carottes sont cuites" : l'expression devait servir de code pour indiquer à un correspondant que la chasse au trésor avait été fructueuse. Pour moi, elles sont restées en travers de la gorge : crues et même pas lavées !
Vous n'allez pas me croire, mais ça ne s'invente pas : à la fin de cette diffusion de TV Monde, l'annonce-raccord de publicité s'ensuivant n'hésitait pas à nous servir cet enchaînement:
"Vous avez dû avoir des sensations uniques en voyant votre film: (...)"
Je vous l'ai dit : ça ne s'invente pas ! Quelles sensations ?
TV 5 Monde le 04.01.2021