De jeunes adolescents parlant de leur vie sexuelle comme des cinquantenaires blasés contaminés par l'imagerie pornographique, une actrice ratée et névrotique se réjouissant de la noyade d'un enfant lui permettant d'obtenir le rôle qu'elle rêvait, un enfant star étranglant à mort son jeune partenaire de jeu lui volant la vedette, un présentateur vedette de la télévision s'inspirant du dalaï-lama pour établir sa campagne marketing, une actrice oubliée étalant sa bipolarité sur Twitter... soit autant de facettes du monde de 2014 vu par David Cronenberg.

Maps to the Stars dépeint avec une noirceur rarement vue de nos jours le quotidien d'Holywood, microcosme incestueux et schizophrène, où toutes les personnes y étant mêlées de près ou de loin en ressortent détruites comme vampirisées par la machine à rêves. Cronenberg parvient a capter avec précision tous les travers d'une époque obsédée par les apparences et la communication, le tout dans un cynisme allant toujours plus loin. Pour autant, le cinéaste canadien ne se pose pas en moralisateur. Il se contente, en moraliste, de dépeindre les faits de la manière la plus objective qui soit ce qui rend les événements encore plus horribles de par l'indifférence de ce monde vis à vis de ce qui se déroule en son sein. Pas de rédemption, pas d'échappatoire, tout est allé trop loin. La mutation de la société est « achevée », désormais tout est virtuel et le réel a disparu. Ainsi, puisque rien n'existe, plus rien n'a d'importance et les personnages semblent traverser le monde sans jamais l'habiter réellement.

Mais, en disséquant le milieu du cinéma, David Cronenberg ne livre pas un film qui serait lointain, évoquant un monde que le commun des mortels ne peut qu'envisager. A travers ces acteurs, présentateurs et vedettes en tout genres, il interroge les sociétés occidentales toutes entières sur leur propre rapport à la réalité et à l'autre. Le final, voyant les « victimes » de cet univers reproduire le même schéma que leurs « bourreaux » est en ce sens extrêmement pessimiste sur l'avenir de cet univers. A 71 ans, CroCro (pour les intimes) livre un film d'une férocité incroyable qui fait que l'on ne peut que regretter qu'il n'ait pas eu droit à la Palme d'Or, ce qui eut été un geste réellement courageux pour une fois. Il faudra se contenter d'une récompense pour Julianne Moore, récompensant plus sa carrière que ce film particulier, où, bien que bonne, elle ne livre rien d'extraordinaire. Toutefois, le cinéaste étant sans doute le meilleur directeur d'acteurs en activité (chaque acteur ayant travaillé pour lui y trouvant généralement son meilleur rôle), tout le casting est excellent, mention spéciale à l'inconnu Evan Bird, révélation du film, volant la vedette a ses partenaires confirmés, et dont on espère qu'il aura la carrière qu'il mérite.
ValM
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le 30 juil. 2014

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