L'ennemi intime.
Ceci n'est pas un flim sur un super-héros courant le marathon plus vite qu'un somalien munie d'une carte de cantine (humour beauf style ). Non, je préfère vous prévenir tout de suite, histoire de ne...
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le 29 déc. 2013
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Marathon Man, sorti en plein milieu de la décennie 70, est un des fleurons d’un genre qui a vécu ses plus belles heures dans cette décennie du scandale du Watergate qui a ébranlé de façon durable la confiance du peuple américain dans ses institutions gouvernementales et économiques : le thriller paranoïaque. Ce genre impliquait des conspirations ténébreuses menées en coulisses par des groupes nébuleux et puissants souvent au sein de l’appareil d’état et a donné nombres de classique comme À cause d’un assassinat (1974), Les 3 jours du condor ou Conversation Secrète. Si Marathon man n’a pas la même portée directement politique que certain de ses pairs il s’en distingue par son atmosphère irréelle presque horrifique parfois et sa folle intensité. Marathon Man a marqué bien sûr l’inconscient collectif pour sa scène de torture qui fut aux dentistes ce que Les Dents de la mer fut au grand requin blanc. « C’est sans danger ? » cette obscure question fait se refermer les bouches de tous les spectateurs du film quand l’ex-nazi Christian Zsell (Laurence Olivier) la pose tout en perçant une dent dans la bouche innocente de Dustin Hoffmann.
Thomas ‘Babe’ Levy (Dustin Hoffman) est un étudiant de l’Université Columbia et un joggeur passionné à Central Park, hanté par le souvenir du suicide de son père déshonoré par la chasses aux sorcières de McCarthy. Quand son frère aîné homme d’affaires, Henry ‘Doc’ Levy (Roy Scheider), qui vient de revenir de Paris, débarque ensanglanté dans son appartement et meurt bientôt, il se retrouve impliqué dans une machination qui mêle services secrets et anciens nazis. Le film est signé par le réalisateur britannique John Schlesinger qui avait remporté sept ans plus tôt l’Oscar du meilleur réalisateur pour Macadam Cowboy où il avait déjà dirigé Dustin Hoffmann mais le film est surtout une œuvre emblématique du légendaire scénariste William Goldman, oscarisé deux fois – pour Butch Cassidy et le Kid et Les Hommes du président autre fleuron du genre. Il fut payé la somme faramineuse de 500 000 $ pour les droits de son roman et pour en tirer un scénario, avant même qu’il ne soit publié par le non moins légendaire producteur du Parrain Robert Evans persuadé de tenir là un nouveau hit.
Marathon Man est une réussite tout autant pour ses éléments de thriller que pour sa dimension symbolique, Goldman y évoque des spectres qui hantent l’Histoire contemporaine des États-Unis, le Maccarthysme mais surtout le rôle ambigu joué après la guerre par leurs services secrets dans l’exfiltration des anciens nazis d’Europe afin de les utiliser contre les soviétiques. Dans Marathon Man tous les personnages sont hantés par des fantômes de leur passé respectifs, les frères Levy par le suicide de leur père que Babe veut réhabiliter en devenant historien là ou son frère veut enterrer définitivement ce traumatisme. Christian Szell et son frère sont eux aussi rattrapés par leur passé nazi qu’il voudrait occulter. Dans deux séquences en miroir poignantes ils seront reconnus par des rescapés de l’holocauste qui sont littéralement des fantômes du passé et c’est d’ailleurs cette émergence de ce passé « qui ne passe pas » (pour paraphraser le titre d’un ouvrage sur Vichy de Henry Rousso et Eric Conan) qui va mettre en branle l’intrigue du film. Le personnage de la fiancée allemande de Babe, Elsa incarnée par la comédienne suisse Marthe Keller (connue du public français grâce à la série La demoiselle d’Avignon et qui eut une belle période américaine durant laquelle elle jouera aux cotés d’Al Pacino dans Bobby Deerfield) représente le refoulement par l’Allemagne de ce même passé nazi. On peut remarquer que tous les protagonistes qui se refusent d’affronter et d’assumer leur passé connaissent un sort funeste. L’autre thématique explicite est celle de l’endurance à travers la pratique du marathon et c’est la résilience du personnage de Babe Levy, qui tente de survivre dans un monde hostile et anxiogène dont il ne maîtrise pas les tenants et aboutissants, assure une identification forte du spectateur.
La construction du film est atypique avec ce premier tiers qui nous oriente vers une histoire d’espionnage « classique » centrée autour de Henry ‘Doc’ Levy alias Scylla agent d’élite de la mystérieuse division, sorte de James Bond américain, élégant et mortel qu’incarne Roy Scheider. L’acteur des Dents de la mer fait apparaître comme souvent chez ses personnages de durs une fragilité et une souffrance secrète qui lui donne une vraie épaisseur. Son entente à l’écran avec Hoffmann est parfaite, on sent toute l’affection et les tensions qui unissent les deux frères. La partie parisienne du film ponctuée par une mémorable et sanglante scène de combat dans un grand hôtel parisien marque l’immixtion de l’étrange dans cette histoire d’espionnage jusqu’à un retournement qui fait basculer le film à la manière du Psychose d’Alfred Hitchcock. L’opacité du thriller, les faits obscurs, s’enchaînant très vite sans liens apparents, contribue à distiller une paranoïa, on ne sait littéralement jamais à qui se fier – en tout cas pas au personnage incarné par un William Devane (Rolling Thunder) sournois et sardonique une angoisse qui contribue à donner au film une aura quasi fantastique. Schlesinger et son directeur de la photographie le génial Conrad L. Hall (Butch Cassidy et le Kid, American Beauty) filment, en misant sur un réalisme brut (Marathon Man fut le second film a employer la Steadycam système de stabilisation de la caméra mis au point par Garrett Brown dans ses scènes de courses et de poursuites), un New York particulièrement anxiogène comme une cité tentaculaire où littéralement tout peut arriver, un rescapé des camps peut y croiser ses bourreaux, vous pouvez y être enlevé et torturé à tout moment. Sentiment que vient renforcer la partition inquiétante de Michael Small (spécialiste es-paranoïa puisqu’il signa les musiques de Klute et À cause d’un assassinat). Le film est émaillé de scènes à haute tension aussi bien physique, la fameuse séquence de torture ou psychologique comme le rendez-vous houleux entre Babe, Doc et Elsa. Et si la conclusion du film trop rapide (réécrite d’ailleurs par Robert « Chinatown« Towne) est un peu abrupte elle ne parvient pas à gâcher l’ensemble.
Marathon man restera célèbre pour avoir offert un des plus grand personnages de méchant de l’écran (classé 34e dans la liste « 100 ans…100 Heros & Villains » de l’American Film Institute) en la personne de Christian Zsell incarné de manière flamboyante par le légendaire Laurence Olivier (qui ironie du sort incarnera deux ans plus tard le chasseur de nazis Simon Wiesenthal dans Ces garçons qui venaient du Brésil). Olivier fait de cet ancien dignitaire nazi -il officiait comme dentiste à Auschwitz- un personnage abject dénué de remords et au fond assez pitoyable – il est obsédé avant toute chose par son argent – la froideur mais aussi l’extrême dangerosité d’un serpent. Face à lui Dustin Hoffmann incarne cet étudiant alors qu’il avait déjà trente neuf ans!) perdu dans cette toile mortelle qui tente de survivre et si on lui a reproché de s’y montrer trop agité, la fièvre qu »il apporte au rôle sert parfaitement la tension du film.
A travers l’affrontement entre leurs personnages, la réunion à l’écran de Dustin Hoffmann et Sir Laurence Olivier constitue symboliquement celui entre deux écoles d’acteurs : les tenants de la « méthode » dont Hofmann est un des exemples les plus obsessionnels (il perdit 10 kilos pour le rôle et effectua un véritable entrainement de marathonien) face à l’école d’art dramatique classique dont Olivier salué comme le plus grand interprète shakespearien de son temps était l’incarnation vivante. Une anecdote sublime veut qu’alors qu’Hoffmann racontait fièrement à Olivier que pour être dans le même état d’épuisement que son personnage il n’avait pas dormi durant plusieurs nuits, se vit rétorquer par ce dernier cette réplique définitive « Why don’t you just ACT? » (« Et si vous vous contentiez de jouer ? »). La véracité de cette histoire est contestée par Hoffmann qui affirme qu’Olivier critiquait plus son hygiène de vie lors du tournage que sa méthode de jeu mais elle est si belle qu’on préfère selon le vieil adage de John Ford la légende à la réalité.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films avec les meilleurs méchants, Les meilleurs films des années 1970 et Mon Top 100 (en construction pour 2016)
Créée
le 6 avr. 2018
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Bonjour! L'histoire sur "le Marathon Man" est: ainsi = il est un cinématographe sur l'existence biographiste du bonhomme @Diego Marathon Man, qui effectua du "foot" "ball". Il fut Argentique mais...
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