Alors qu’on a tendance à étriller la façade assez fragile de la « grande famille du cinéma français », le nouveau film de Christophe Honoré pourrait se voir comme une forme de réponse. De famille, il y sera question dans le groupe de tous ces comédiens jouant leur propre rôle et les coulisses qu’on nous propose d’investir, évoquant les castings, la complicité, les querelles ou la gloire parfois lourde à porter pour les monstres sacrés. Mais il s’agira tout autant d’investir la cellule familiale, et la manière dont l’héritage pèse comme un fardeau pour la pauvre Chiara, à qui on demande de jouer « plus Marcello que Catherine », elle qui ne voulait que proposer sa propre incarnation.
Film de famille, donc : Honoré imagine un dispositif dans lequel la comédienne, dévorée par sa prestigieuse ascendance, fusionne avec son père et décide de l’incarner à temps plein. L’occasion de revisiter par de nombreuses références la carrière de la star, de Paris à Rome et au hasard de rencontres, mais aussi de générer son flot de réactions consternées. Les images de carte postales sur les grandes capitales vues par le septième art occasionnent un pastiche qui ne manque pas de maitrise, mais les citations dérivent surtout vers une muséification assez stérile, dans laquelle Honoré pense injecter du pathos par le parcours de sa muse. Chiara pleure ainsi gentiment sur son enfance, aurait aimé que papa et maman soient mariés, déclenche les souvenirs de l’entourage et l’euphorie d’un Luchini de plateaux télé, ravi de ne plus avoir à s’embarrasser à jouer quelqu’un d’autre que lui-même.
On chantonne, on se baigne dans les fontaines, on contemple du haut des toits ou des ponts, en noir et blanc ou en sépia, on fustige la vulgarité de la télé italienne, laborieux écran de fumée pour tenter de prétendre raconter quelque chose. Et Chiara fait du patinage avec son moi enfant, avant qu’on lui explique lors d’une épiphanie psychologique, qu’elle « ne peut pas vivre comme si elle n’existait pas ».
Films de copains, finalement, où Honoré filme deux heures durant un groupe qui se connait parfaitement, et qui s’offre une soirée déguisée sans texte à apprendre. Mais leurs petits soucis ne concernent qu’eux, et, comme le dit Deneuve à un moment, les spectateurs se souviendront des images incarnées par les acteurs et non de leur personne. C’est vrai. C’est le jeu. Et l’on ne cesse de se dire que dans cette réunion où l’on se fait des clins d’œil avant d’aller jouer au volley et piquer une tête dans la méditerranée, les caméras n’étaient finalement pas nécessaires.