Étonnante Chiara Mastroianni : fille de, elle réussit malgré tout à exister par elle-même. Mieux, avec des parents tous deux célébrités en tant qu’acteur (Marcello Mastroianni) et actrice (Catherine Deneuve), elle réussit une carrière tout à fait honorable (n’est-ce pas M. Honoré, ici réalisateur-scénariste) en tant qu’actrice. Serait-elle favorisée par sa naissance qui l’a immergée naturellement dans le milieu du cinéma ? En fait, non, puisqu’il suffit de la voir jouer pour comprendre qu’elle connaît son métier. Et quoi de plus difficile que de jouer une actrice en train de jouer ? Ainsi, on la voit donner la réplique à Fabrice Luchini dans une chambre d’hôtel, face à Nicole Garcia vautrée sur le lit. L’actrice-réalisatrice auditionne pour un casting et elle a beau chipoter, Chiara s’avère convaincante au pied levé.


Ce qui justifie la remarque acide de Chiara à sa mère avant de partir à son rendez-vous « Depuis combien de temps, tu n’as pas eu à passer par un casting pour obtenir un rôle ? » Voilà le point qui marque la différence de standing entre la mère et la fille. Pour conclure avec cet épisode, Nicole Garcia va comprendre qu’elle a exagéré en disant à Chiara qu’elle espérait « davantage de Marcello que de Catherine ». Et Chiara gagne un ami en la personne de Fabrice Luchini qui, séduit (en tout bien tout honneur), lui donne son numéro de téléphone en lui disant qu’elle peut compter sur lui à 100 %, ce qui veut dire qu’elle peut l’appeler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, si elle éprouve le besoin de lui parler.


De retour chez elle, Chiara a une vision qui lui donne un coup au cœur :


son miroir lui reflète un visage (bien vivant) où la part de son père a pris considérablement le dessus. Bien que fugitif, l’effet spécial est une réussite. Revenue d’un évanouissement, Chiara en discute avec sa mère qui ne constate rien de spécial. Depuis toujours, Chiara porte sur son visage une part de sa mère comme une part de son père.


Toujours est-il que les impressions de la journée marquent Chiara au point qu’elle décide d’assumer la ressemblance avec son père pour entrer en quelque sorte dans sa peau. Effectivement, il lui suffit de pas grand-chose pour modifier son look de manière frappante.


Là où elle désarçonne son entourage, c’est qu’à partir de ce moment, elle demande qu’on l’appelle Marcello.


Rappelons au passage que Marcello Mastroianni est mort en 1996 (à Paris). Cette « apparition » de Marcello jette donc le trouble, tous celles et ceux qui l’ont connu se demandant à quoi joue Chiara. Parmi ceux qui la côtoient habituellement, on note l’agacement non maîtrisé de Melvil Poupaud et la surprise de Benjamin Biolay qui entre dans son jeu tout en s’interrogeant. L’hypothèse la plus vraisemblable vient de Catherine Deneuve qui estime que son père manque à Chiara. Celle-ci s’obstine et obtient le soutient de Fabrice Lucchini qui s’imagine déjà partager l’affiche avec « Marcello » dans le prochain film de Nicole Garcia.


Dans ce nouveau film qui s’intéresse au milieu du cinéma, nous retrouvons une belle brochette d’acteurs.rices dans leur propres rôles. Purement fictionnel, le scénario s’avère savoureux par rapport à tout ce qui alimente la presse people. On s’amuse ainsi des rapport fille-mère entre Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni, plus vrais que nature. Comme dans la vraie vie, Chiara Mastroianni est avec Benjamin Biolay. Et, comme par hasard, Catherine Deneuve tient un numéro de Voici pour commenter les photos montrant Chiara dans son rôle de « Marcello », alors qu’elle observe Melvil Poupaud dans une séance de taï-chi au jardin du Luxembourg. Aucun paparazzi en vue, alors que cela mériterait bien quelques photos… Bref, le film mêle habilement des éléments véridiques avec la fiction, « Marcello » en étant le symbole. Bien entendu, Chiara n’a ni la stature ni la voix de son père, mais elle assume parfaitement son nouveau rôle. Et les cinéphiles apprécieront les multiples références à la carrière cinématographique du légendaire Marcello Mastroianni. Celle qui émerge est la célèbre séquence avec Anita Ekberg dans la fontaine de Trevi. Ce qui fait le lien avec l’escapade de « Marcello » à Rome, invité(e) par une chaine de télévision pour une émission à surprise. Là, le réalisateur joue avec l’obsession pour le scoop de pacotille qui scotche devant leur écran une multitude de désœuvrés fascinés par des futilités.


Ce n’est pas très flatteur pour Stefania Sandrelli qu’on aimerait être contents de revoir, alors qu’elle n’a plus grand-chose à voir avec l’égérie du cinéma italien des années 70-80. La situation mise en scène finit par mettre « Marcello » mal à l’aise.


Une remarque technique pour conclure. Peu avant la fin, un plan nous montre « Marcello » de dos face à la mer, avec un rocher à quelques mètres devant. La caméra se rapproche doucement, vers la gauche, tout en zoomant tranquillement. L’effet s’avère très particulier, car pendant un instant on a l’impression que le rocher se déplace. Mon interprétation, c’est une sorte de malaise confus bien à l’image du déguisement de Chiara pour interpréter « Marcello ». Ce qui n’était qu’une lubie et ne tenait que par un fil parce que tout le monde a bien voulu jouer le jeu, n’a pas fait revivre Marcello Mastroianni. Ce n’était qu’une illusion, à l’image de ce qu’est le cinéma. Pour Chiara, ce fut une expérience particulière qui lui a peut-être permis de mieux admettre la perte de son père. Pour nous spectateurs, reste une séance agréable (2 heures) qui laisse une impression bizarre, quelques sensations fugaces, de l’amusement, mais la certitude que tout cela fonctionne de façon un peu bancale.

Electron
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vus au ciné en 2024

Créée

le 26 mai 2024

Critique lue 187 fois

5 j'aime

Electron

Écrit par

Critique lue 187 fois

5

D'autres avis sur Marcello Mio

Marcello Mio
EricDebarnot
7

Ricordi della dolce vita

On n’avait pas particulièrement envie de voir Marcello Mio, en dépit de notre amour pour l’immense Marcello Mastroianni, et de notre goût pour la filmographie de Christophe Honoré, tout simplement...

le 26 mai 2024

11 j'aime

Marcello Mio
SurLaRouteDuCinma
9

C'est Marcello

Une séance photo à la fois hilarante, lamentable voire humiliante ouvre le film. Grimée en Anita Ekberg, Chiara Mastroianni sous un rideau d'eau, chaussée de bottes en caoutchouc, pose dans une...

le 22 mai 2024

7 j'aime

Marcello Mio
Electron
6

Marcello, c’est elle !

Étonnante Chiara Mastroianni : fille de, elle réussit malgré tout à exister par elle-même. Mieux, avec des parents tous deux célébrités en tant qu’acteur (Marcello Mastroianni) et actrice (Catherine...

le 26 mai 2024

5 j'aime

Du même critique

Un jour sans fin
Electron
8

Parce qu’elle le vaut bien

Phil Connors (Bill Murray) est présentateur météo à la télévision de Pittsburgh. Se prenant pour une vedette, il rechigne à couvrir encore une fois le jour de la marmotte à Punxsutawney, charmante...

le 26 juin 2013

113 j'aime

31

Vivarium
Electron
7

Vol dans un nid de coucou

L’introduction (pendant le générique) est très annonciatrice du film, avec ce petit du coucou, éclos dans le nid d’une autre espèce et qui finit par en expulser les petits des légitimes...

le 6 nov. 2019

79 j'aime

6

Quai d'Orsay
Electron
8

OTAN en emporte le vent

L’avant-première en présence de Bertrand Tavernier fut un régal. Le débat a mis en évidence sa connaissance encyclopédique du cinéma (son Anthologie du cinéma américain est une référence). Une...

le 5 nov. 2013

78 j'aime

20