Présenté en avant-première au Festival Britannique de Dinard. Mon ami et moi étions tombés dessus par hasard ; à la base, on avait envie de se marrer un bon coup en regardant "la Mort de Staline" (ironique bien sûr). Mais un accident technique nous détourna sur la prochaine projection, soit ce film. Sur l'écran de présentation, un homme et une femme dans un cimetière grisâtre. Deux intuitions: on va pas rigoler des masses avec ce film, cette fois sans ironie. Et surtout que les films parlant de deuils (on a deviné tout seuls que c'était leur gosse) sont très facilement pathos.
2 heures après, nous étions encore sous le choc, et en rentrant de cette magnifique ville jusqu'à notre hôtel F1, on ne tarissait pas d'éloges. On a bien fait d'y aller au hasard. Sérieux, foncez, faut aller le voir.
Ce film persiste dans une conviction que j'ai déjà depuis quelques temps: l'avenir du cinéma d'auteur de qualité est sous la tutelle des femmes. Lucie Borteleau, Maiwenn, Rjajane Satrapi... et aussi, désormais, Rebecca Daly. Elles ont un regard à la fois très sensibles et brutales, sans concessions ni cruauté, qui deviennent comme des télescopes sitôt retranscris en films. "Margaret" a un scénario béton. Archi-béton. Je pense même que c'est le troisième meilleur scénario que j'ai jamais vu, après "il était une fois dans l'Ouest" et "la vie est belle", rien que ça. Absolument tous les écueils supposés par mon ami sont évités. Aucune scène ne fait ce qu'on attend d'elle. Il est impossible de prévoir à l'avance ce qu'on va voir, ni quand, ni comment, ni les conséquences de la scène. En fait, toutes les 5 minutes, le film pose une question et y répond à la scène suivante, ce qui fait qu'on ne peut pas décrocher, l'intrigue en devient archi-prenante. Des parallèles sont constamment mis (la piscine, habituellement montrée comme glaciale, devient insouciante avec l'arrivée de l'adolescent dans ce milieu -remarque très intelligente de mon pote), le suspens est permanent alors que le pitch original ne le laissait pas présager, certaines séquences marquent à vie (le chat dans la poussette...) et, encore une fois, le film surprend sans cesse, bouscule ce que nous avions cru comprendre pour proposer quelque chose d'encore mieux, et nous attache aux destins de ces trois paumés, triangle involontaire, drames qui ne disent pas d'où ils viennent ni ce qu'ils attendent, et on ne peut que tout leur pardonner et les suivre vaille que vaille. Ce qui est déjà, rien que ça, une sacrée performance. Tout comme le casting: on n'a jamais l'impression qu'ils jouent. Même les fans de Nolan ne pourront pas reconnaitre Barry Keoghan dans ce film, où il laisse parler toutes les espérances que l'on focalisait sur lui. Rachel Griffiths n'est pas en reste, avec un regard obsédé terriblement fascinant. En père anéanti, en quête des restes de son passé, Michael McElhatton impressionne aussi. La mise en scène est prenante, nous accroche à leurs pas, que nous n'avons par ailleurs aucune envie de quitter. Même les "effets spéciaux" sont réussis, avec le budget fourni leurs blessures font plus vraies que nature. En fait, ce petit film, mine de rien, c'est une école de cinéma à lui tout seul, un exemple de réussite totale. Quoique... la fin est ratée, surtout le dernier plan, et, pour jouer le rabat-joie, on peux pas dire que la musique a le beau rôle. Mais on s'en cogne comme de la première fois qu'on a sucé notre tétine.
C'est typiquement le genre de films qui mérite une plus large distribution, une plus large reconnaissance, un plus large public. Et il prouve que le cinéma anglais a encore de beaux jours devant lui, comme d'autres magnifiques films à livrer. Chapeau !

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le 5 oct. 2017

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Billy98

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