36 heures dans la vie d’une banque d’investissement de Wall Street, quelques heures avant les débuts de la crise boursière de 2008.
Dans l’une des premières scènes du film, Eric Dale (Stanley Tucci), cadre de l’entreprise, se fait virer de manière expéditive après des années de bons et loyaux services.
« Il n’y a rien de personnel. Presque tout cet étage est renvoyé », lui annonce calmement l’équipe en charge de la procédure de licenciement au sein de la boîte. Il s’agit d’une mise à mort sociale et professionnelle (on lui retire son téléphone mobile, son adresse mail, tout accès au bâtiment), réalisée de façon légale et décomplexée ; la devise des agents de la restructuration est bien « Looking ahead » (« aller de l’avant »), au détriment de considérations humaines. Cette scène donne le ton : tout le film nous montre la cruauté et les contrastes d’un monde où se côtoient arrogance et insécurité.
J.C. Chandor, qui a brillamment écrit et réalisé le film, nous plonge dans l’univers désabusé de l’open space, des bunkers modernes aux baies vitrées où des traders en costumes jouent avec des sommes d’argent qui les dépassent. Il s’agit d’un milieu fermé, isolé, loin du tumulte de la ville, comme au-dessus du monde réel. « Ce n’est que de l’argent. C’est virtuel », explique le PDG John Tuld (Jeremy Irons) à Sam Rogers (Kevin Spacey) au petit matin, rendant presque trivial tout ce par quoi ils sont passés pendant la nuit.
Au cœur de cette atmosphère confinée et climatisée, évoluent –entre autres- un jeune naïf angoissé (Penn Badgley), un lucide cynique et nihiliste (Paul Bettany), un financier rodé qui en a vu d’autres et qui connaît une crise de conscience (Kevin Spacey) etc… Un panorama de caractères stéréotypés mais très finement interprétés par une troupe d’acteurs au top de leur forme, à commencer par Jeremy Irons, particulièrement excellent en symbole du capitalisme serein.
La qualité première du film est la limpidité avec laquelle les problématiques nous sont présentées : la complexité des enjeux financiers est mise à notre portée non pas par une vulgarisation des choses mais plutôt par une clarification assez rusée : les conversations sont ponctuées d’interjections (comme « simplifie, s’il te plaît »,« parle-moi en anglais » ou, encore mieux, « parlez-nous de ce qui se passe comme si vous l’expliquiez à un enfant ou à un labrador ») qui permettent de contourner la barrière d’un charabia d’initiés qui rendrait obscure la poursuite du récit. Un procédé scénaristique certes transparent mais nécessaire, presque pédagogique (le spectateur ne se sent ni exclu ni insulté).