Voix de garage
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La scène d'introduction dit déjà tout du film. Les curieux, les mondains, les intéressés, les cyniques se pressent dans la demeure bourgeoise de Marguerite Dumont avec une vraie euphorie, non pas provoquée par le très beau Duo des Fleurs de Léo Délibes qui ouvre le récital devant un public tout juste poli, mais par le clou du spectacle : la propriétaire des lieux interprète une version ridiculement fausse et extravertie de l'Air de la Reine de la Nuit de Mozart. Là, les réactions se multiplient. Il y a les amusés, les indignés, les fascinés.
En racontant l'histoire de Marguerite, dont la biographie est librement inspirée de Florence Foster Jenkins, une bourgeoise se prenant pour une cantatrice mais chantant très faux et qui a malgré tout développé une sorte d'intérêt mondain malsain autour d'elle, Xavier Giannoli en profite surtout pour nous parler du rapport à l'art des publics et des artistes. La galerie de personnages de ce film est une transposition acerbe mais très pertinente des personnalités typiques que l'on retrouve dans toutes les sphères artistiques. On y rencontre donc un critique qui préfère ergoter ironiquement sur la casserole en chef que sur des artistes talentueux, un peintre wanabee et provocateur plus intéressé par sa posture que par son contenu, un chanteur ringard persuadé de son importance et de sa légitimité et une chanteuse qui concilie une création underground sans concession et des prestations purement alimentaires.
A travers, toutes ces figures et ces situations, Giannoli dit beaucoup du rapport de l'art à l'argent, de l'artifice aléatoire qu'est le succès et de la sincérité chancelante du public et des artistes. Le personnage de Marguerite est elle-même un poisson hors de l'eau en permanent décalage avec les intentions et les perceptions de son entourage. Coincée entre le désir de respectabilité et de moralité de son milieu aristocrate et de son mari honteux d'une part, et l'exploitation façon bête de foire et portefeuille ambulant que lui oppose d'autre part le microcosme artistique qui la prend dans son sillon, elle est le compas moral et la personne dont l'amour sincère de l'art lyrique l'emporte sur le reste. Catherine Frot est à la fois drôle mais surtout touchante de naïveté consentie et de passion désintéressée pour la musique.
Le parti pris esthétique du film, mélangeant une lumière dorée et froide à la fois, ainsi qu'un montage plutôt moderne et dynamique, est réussi. A la fois sophistiqué, efficace, plein de finesse et d'énergie, il est un bel écrin pour raconter le dualisme éternel et sans doute universel entre Mozart et Délibes, entre la hype et la tradition, entre le succès et l'expérimentation, entre le populaire et l’underground, entre le cynique et le sincère.
Et au milieu, Marguerite est la passion, l'amour de la musique, dans sa plus pure et incorruptible forme.
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Créée
le 16 avr. 2021
Critique lue 32 fois
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