Qu’une enfant qu’on habille, observe et assigne

Loin de l’académisme figé des reconstitutions d’époque, la cinéaste donne à voir un film où le faste n’est qu’un vernis posé sur la mélancolie.

Ici, Coppola ne cherche pas à illustrer un récit politique ni à embrasser l’ampleur du drame révolutionnaire. Son regard épouse celui de Marie-Antoinette, jeune fille propulsée dans un monde qui l’excède. Dans ce Versailles où tout est rituel, la reine est moins une souveraine qu’une enfant qu’on habille, observe et assigne à un rôle.

Le château est un personnage à part entière, une cage dorée où l’opulence asphyxie autant qu’elle éblouit. Coppola capte ce Versailles comme une illusion, un espace qui enserre ses habitants sous des ors aveuglants. Les cadres se resserrent, les regards scrutent, la liberté s’évapore sous le poids des conventions. Et pourtant, dans cette bulle, la reine cherche l’évasion.

La bande-son, où se croisent New Order, The Cure et Air, donne à Marie Antoinette une tonalité en suspension. Cet anachronisme ne cherche pas à provoquer, mais à traduire l’intemporalité des errances d’une jeunesse qui cherche son souffle. L’héroïne de Coppola est avant tout une adolescente, perdue entre l’ivresse des désirs immédiats et la pesanteur d’un monde adulte qui l’écrase.

Si la première moitié du film est une explosion de couleurs pastel, de tissus vaporeux et de plaisirs insouciants, la seconde s’achemine vers une épure mélancolique. Peu à peu, la lumière se tamise, les espaces se vident, l’illusion se fissure. Coppola ne filme pas la Révolution, mais son ombre portée, la menace latente qui ronge Versailles de l’intérieur. Il n’y aura pas de guillotine à l’écran, seulement des pièces saccagées et un regard voilé par la résignation. L’ultime plan, où les appartements royaux apparaissent en ruines, scelle la fin d’une époque autant que celle d’une femme.

cadreum
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