Il y a presque 30 ans Valérie Lermercier peu connue alors, émergeait médiatiquement avec son personnage déjanté de Lady Palace (« Palaces » Jean-Michel Ribes -1988). Sorte de Marie Chantal revisitée au phrasé prêchi prêcha d’un autre âge. Cette incarnation d’une France giscardienne (peaufinée dans « Les visiteurs ») allait trouver son apogée dans une pub pour un gâteau industriel au fameux gimmick que personne n’a oublié, « Ca vous plaît ? Et bien c’est moi qui l’ai fait » ! Sa carrière était lancée ! Ce n’était bien évidemment qu’une toute petite partie d’un talent, hors du commun, que le public allait découvrir très vite. De One Woman Shows, en prestations télévisuelles remarquées (« Les nuls, l’émission ») le cinéma allait timidement lui ouvrir les bras avec toutefois quelques seconds rôles marquants.
Intelligence railleuse, œil avisé, vitalité intellectuelle hors du commun, Valérie Lemercier est avant tout un auteur, un esprit et donc réalisatrice. Il suffit de se pencher un peu sur les deux premiers films qu’elle met en scène « Quadrille » et « Le derrière ». D’un côté l’adaptation plutôt réussie d’un texte de Môssieu Sacha Guitry, monstre sacré pétillant de bons mots entre scène, derrière ou devant la caméra. L’autre qui pourrait se concevoir comme plus intimiste, bien qu’il n’en soit rien, « Le derrière ». Le premier est l’hommage rendu (extrêmement respectueux au niveau direction artistique, esprit d’époque…). Le second est plus subjectif, moins bridé, le genre « je suis de la lignée… » semble susurrer la réalisatrice novice « …et je pose mes marques ». Il faudra encore du temps. Avec sa personnalité tonitruante et cette faculté qu’elle donne, en impression, de pouvoir tout incarner (enfant, femme du monde, jeune femme un peu bécasse ou libre…) Lemercier est avant tout une entité du spectacle de la trempe d’une Maillan. Un compliment certes, mais c’est également une âme à double tranchant. A force d’accéder tant et tant à la demande du public, mais aussi des producteurs Jacqueline Maillan s’est installée dans une espèce de conformisme où de pièce en pièce, son clone de dame au cœur aussi grand que la gueule finissait par triompher de tout, même de l’idiotie de certains textes dénués de toute créativité. Le spectateur ne voulant plus voir autre chose que l’actrice dans ses débordements généreux. Il aura fallu un Ribes (tiens donc !) pour retrouver son verbe de l‘époque music hall, l’équipe du Splendid (La Bourdelle, ou Madame Bou dans « Le père Noel est une ordure ») ou encore Mocky (au risque de choquer) pour nous la voir revenir enfin sur ces dernières années de carrière.
Et l’on s’inquiète du coup pour le devenir de Valérie Lemercier, notamment en découvrant cet étrange « Marie-Francine » son 5ème long métrage. Comme le disait ma grand-mère, « Sur excès de zèle tu fileras, la gueule te casseras ». Trop de kitsch tue le kitsch, d’autant plus s’il ne se situe que dans le seul esprit du créateur. Rarement un film nous a été présenté de manière aussi impersonnelle. Il est de la lignée de ces petites comédies des eighties consommées en une ou deux semaines par quelques milliers d’ados pour disparaître on ne sait où (aujourd’hui on sait dans les catalogues de la TNT).
De quoi s’agit-il ? Francine femme un peu paumée se voit contrainte de retourner vivre chez ses parents. L’humiliation couplée à l’infantilisation qu’ils lui font subir va peut à peu la faire sombrer. Heureusement, elle va rencontrer Miguel, un portugais tout aussi largué dans la vie. Un vieux Cupidon ventripotent, édenté et vraisemblablement gâteux (je vous rassure on ne le voit pas) va tirer la flèche dans le tas et le résultat sera ce qu’il est : catastrophique.
Jamais Lemercier ne se sent concernée par Marie-Francine, tout au plus pour lui donner un peu d’étoffe, elle réchauffe quelques tics et gestuels de ses précédents films sensés faire rire. Hélène Vincent, Philippe Laudenbach et Denis Podalydes ne savent se contrôler, seul Patrick Timsit semble se souvenir que parfois il sait être un bon acteur. Nadège Beausson-Diagne est la seule bonne surprise de ce casting à la ramasse !
Le scénario est totalement creux. Comme il tient en trois ligne, il aurait fallu l’accompagner d’un rythme très cadencé, apporter aux différents plans une dimension visuelle ludique, bref un contenu. Je me suis demandé pendant plus d’une heure, quel allait être le basculement. Un effet, une idée qui nous auraient fait dire « ah ah ah on nous a bien eux » Et bien non, entre la presque intégrale de Linda de Suza en bande sonore, les clichés en tous genres, des scènes qui tombent à plat et d’autres dont on se demande pourquoi elles arrivent. Quant au final il est monstrueusement imaginé, et entraîne définitivement ce film dans l’océan du ridicule.
Est-ce à dire, que Lermercier est définitivement perdue ? Après le « 100% cashemire » (son précédent que je me suis empressé de voir du coup et c’est pire !), « Le petit Nicolas », « Bienvenue à bord » ou encore « Agathe Cléry » ses prestations sont de plus en plus navrantes que rien ne peut les effacer. Ni même un « Palais royal » réjouissant, ou une Madame Béteille hilarante, ou encore la jolie môme de Fauteuil d’orchestre…
Soit elle est amoureuse ce qui viendrait à atténuer une plume acerbe (c’est arrivé à d’autres), soit les mesures de François Hollande en matière de baisse de fiscalité ne l’ont pas concernées (il faut donc qu’elle touche le max), soit elle fatigue et par la même nous fatigue. Toujours est-il qu’une bonne mise au vert lui ferait le plus grand bien et qu’un retour sur scène est plus que jamais indispensable ! Pour le moment mieux vaut, pour elle, oublier le cinéma avant que lui ne l’oublie…