Marieke est une jeune ouvrière belge qui a une particularité,elle aime coucher avec des vieux.C'est parce que son père adoré est mort lorsqu'elle était enfant,depuis elle cherche à travers les hommes âgés cette figure paternelle qui lui manque.Cette coproduction belgo-allemande est le premier et seul long-métrage de la Belge Sophie Schouckens,qui est réalisatrice,scénariste et coproductrice,via sa société Sophimages,de ce drame introspectif.A priori on s'attend à souffrir devant une oeuvre auteurisante déprimante,mais c'est finalement pas mal du tout.On pense au départ à un autre film d'Outre-Quiévrain sorti 35 ans plus tôt,le "Jeanne Dielman" de Chantal Akerman.Un autre film belge,une autre réalisatrice belge,une veuve dépressive nommée Jeanne qui vit plus ou moins en autarcie avec son enfant unique,les ressemblances abondent.Mais ce n'est qu'un point de départ car ici le personnage central est Marieke,la fille de Jeanne.La caméra la suit en permanence,nous décrivant sa vie ordinaire entre son boulot,sa mère,son amie Anna,et moins ordinaire,ses rendez-vous sexuels avec des types bien mûrs.Traumatisée depuis l'enfance,elle a découvert le corps de son père suicidé,elle parait vivre normalement mais cet équilibre de surface va être rompu par le retour de Jacoby,un éditeur parti en Allemagne depuis longtemps,qui était le meilleur ami du défunt.Ca ravive la douleur et les questionnements de Marieke,qui ne comprend pas le comportement de sa mère,qui s'est repliée sur elle-même à la mort de son mari et refuse de refaire sa vie.Les rapports entre les personnages sont finement étudiés et développés,jusqu'à une conclusion un peu trop énigmatique.Il ne s'agit pas de spoiler,car rien n'est clairement expliqué,mais on pourrait penser que la culpabilité ressentie par Jeanne serait peut-être due à une possible liaison qu'elle aurait entretenue avec Jacoby,cet adultère pouvant être la cause du geste fatal de Joseph,désespéré par la double trahison de sa femme et de son ami.En poussant plus loin les supputations,il n'est pas interdit de penser que Marieke soit en réalité la fille de Jacoby,ce qui éclairerait cette scène lors de laquelle la fille s'offre au vieil homme,lequel se dérobe en disant qu'ils "ne peuvent pas faire ça".Le film n'est pas plombant pour autant car l'héroïne est solaire en dépit de ses graves traumas,et la narration est suffisamment variée avec la description de ses rapports avec sa mère,sa copine Anna,ses collègues de travail ou ses amants.C'est souvent tendu mais jamais lugubre,et des flashbacks bien disséminés racontent progressivement les évènements de l'enfance de Marieke.La réalisatrice gère bien le récit et sa mise en scène est très soignée,multipliant les angles de prises de vues opportuns et les mouvements d'appareils inspirés.Il est toutefois regrettable que vers les deux tiers du film le scénario se mette à patiner.Dès lors,ça traînasse et ça tourne en rond jusqu'à un final doux-amer et des clés explicatives laborieusement exposées et moyennement compréhensibles.Hande Kodja n'est pas très belle mais elle est juste et lumineuse,une vraie révélation dans ce rôle difficile qu'elle s'approprie à fond.Tous les acteurs sont belges et l'on voit notamment Jan Decleir,légende du cinéma local,qui a une allure folle en témoin du passé qui vient bousculer le fragile équilibre de Marieke.La mère est incarnée par l'excellente Barbara Sarafian,au jeu sobre et intériorisé,et Caroline Berliner apporte une fantaisie et une décontraction bienvenues en copine marrante au franc-parler salvateur.Philippe van Kessel,quasiment mutique,est très bien dans le rôle de l'amant préféré de l'héroïne.Il est à noter l'utilisation de séquences quasiment documentaires tournées dans la chocolaterie Debailleul,où travaillent Anna et Marieke,qui sont à la fois instructives et habilement mêlées au récit,et qui renforcent la belgitude du film.Et puis bien sûr on entend "Marieke",très belle chanson de Brel mêlant français et flamand,qu'il a écrite avec son fidèle pianiste Gérard Jouannest,que Schouckens a visiblement choisie pour donner son nom à son personnage.Elle est chantée une première fois par Decleir,en pleine impro parait-il,moment magique du film,puis on entend la version Jacques Brel sur le générique de fin.