Where the Sidewalk Ends est un archétype total du film noir, et de cette considération pourra naître deux réactions opposées, l'adhésion ou le rejet. L'occasion de se rendre compte, pour la énième fois, si besoin était, de la part écrasante de subjectivité dans l'appréciation (au sens neutre et dépassionné) : étant plutôt très bon client du genre, cette histoire d'enquêteur aux méthodes brutales se retrouvant dans une impasse morale suite à un accident a beau cocher toutes les cases du film qui respecte à la lettre les codes imposés, il n'en reste pas moins très attrayant en composant un portrait comme une touche complémentaire à la somme de tout ce que j'ai pu voir jusqu'à présent.
Autant dire que les clichés sont bien présents : les excès de violence peu contrôlables, les sanctions de la hiérarchie qui affleurent, la perméabilité des mondes de la police et des gangsters, la jeune femme qui fait tout plier sous son charme, le meurtre à dissimuler... Le film noir américain d'après-guerre dans toute sa splendeur. C'est même en quelque sorte le début d'une nouvelle ère dans le sous-genre du noir à caractère psychologique, puisqu'il y a le père du flic protagoniste qui lui évoluait au sein de la pègre, et la conscience qui envahit tout l'espace dans la dernière partie du film.
Une grande part de la réussite du film tient à mes yeux au duo d'interprétation Gene Tierney / Dana Andrews (avec une petite mention pour Karl Malden), 6 ans après leurs rôles dans Laura du même Preminger : la première en femme fatale malgré elle, le second en semi-privé bourru. C'est très calibré, mais c'est aussi bien huilé. Tout n'est pas optimal, on peut regretter le caractère impassible de Andrews un peu trop mono-expressif, tout comme la façon de poser le dilemme moral (homicide involontaire) ainsi que le semi-happy end rédempteur sur fond de réconciliation avec soi-même un peu rapidement expédié. Mais cette ambiance de polar urbain tellement 50s, le suspense guidé non pas par l'identité de l'assassin mais par le destin du héros, cette gestion du cadre toute en plongées et contre-plongées, forme un tout assez agréable au sein du classicisme.
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