"Il aime tout ce qu'on est censé détester"

Un film selon moi très réussi sur un sujet pourtant souvent porté à l'écran.

Ici on aborde le divorce ni comme un moment difficile à passer qui n'aura aucune conséquence négative, ni comme un gouffre duquel on ne sortira jamais. On aborde plutôt ce par quoi il faudra passer pour se relever ensuite : les erreurs du passé qui refont surface, la dissonance entre la raison et les sentiments, l'équilibre difficile à maintenir entre ses désirs et ceux de l'autre, la lutte pour avoir ce qu'on estime juste qui nécessite des méthodes injustes, les travers des démarches légales...

On assiste à un duel subit par les deux protagonistes et cela est très bien géré. Le personnage d'Adam Driver sera plus présent à l'écran, simplement car c'est lui qui est dans la situation la plus difficile et le suivre est souvent plus intéressant, le scénario le contraint à être plus actif.
Les scènes de Scarlett Johansson seule servent quant à elles à l'humaniser alors qu'elle se montre souvent cruelle lors des rendez-vous concernant le divorce. Autrement dit, toutes ces démarches sont déshumanisantes ce qu'illustre bien la réplique "les avocats spécialisés dans les divorces voient les gentils sous leurs pires jours".
Mieux que l'impact de la procédure sur les personnages, son absurdité est souvent soulignée ce que je trouve plus subtil et moins dramatique pour en dénoncer les mauvais aspects. Nous avons par exemple la scène de la notification et de sa formalité tournée au ridicule, ou encore les multiples fois où les avocats jouent sur les mots, la scène du repas improvisé, la problématique du lieu de résidence du couple...Tout ça donne une légèreté assez agréable en contraste avec des scènes beaucoup plus dures.

Sans trop en dire, plusieurs scènes de disputes sont très bien écrites et filmées. Les plans-séquences sont utilisés avec parcimonie et restent simples tout en étant dynamiques en suivant simplement les personnages qui passent d'un endroit à un autre.
Pour rester sur la mise en scène, je ne la trouve pas exceptionnelle mais j'apprécie certaines transitions très marquantes comme la coupe franche entre la scène de la voiture le soir et le visage triste de Charlie en plein jour ou encore certaines surimpressions qui opposent visuellement les deux personnages. En parlant de les opposer visuellement... c'est l'enjeu principal du cadre du début à la fin, les séparer. Ils sont tantôt séparés par un élément au centre (métro, scène du début dans l'appartement...) tantôt placés chacun à une extrémité du cadre (la discussion chez Charlie par exemple) il arrive souvent qu'ils soient tous les deux dans le plan et pendant que le ton monte l'un d'eux se déplace et ils ne sont plus visibles en même temps. A d'autres instants c'est l'effet de profondeur qui les sépare, la mise au point, parfois même le son ou encore un surcadrage. La meilleur illustration est bien sûr la scène du portail lors de laquelle ils se séparent ensemble et activement avant un fondu au noir qui renforce l'aspect irrévocable de leur démarche.

Que pourrait-on ajouter...les musiques ne sont pas mémorables, les acteurs principaux jouent très bien, les dialogues font très naturels même si on manque parfois d'un peu de subtilité avec les deux avocats de Charlie par exemple ou d'autres parallèles un peu trop simplistes... la scène du monologue féministe de l'avocate tombe absolument de nulle part et fait très forcée mais le surjeu décomplexé de l'actrice nous troque rapidement l'agacement pour le rire.

Globalement, Marriage story est touchant, émouvant et réaliste mais sait apporter un peu de légèreté et de dynamisme aux scènes pour ne tomber ni dans le déprimant ni dans l'ennui.