S’il était encore nécessaire de le prouver, Martha Marcy May Marlene démontre une nouvelle fois à quel point le fait de tout ignorer d’un film (pitch, bande annonce, etc…) peut servir l’intensité de son exposition.
Fondée sur un mystère et de nombreuses lacunes, le récit s’ouvre sur deux temporalités : celle d’un passé proche au sein d’une communauté qui se révélera progressivement comme une secte, puis celle de la « libération » par l’une de ses adeptes, Martha, donc, rebaptisée des autres noms éponymes lors de son embrigadement.


Tout est à apprendre : ce qui s’est passé, les raisons pour lesquelles la jeune fille a fui, ses liens avec celle qui l’accueille, à savoir sa sœur ; Sean Durkin dilue ses révélations dans une ouate trouée de toutes parts, par une ambivalence en totale adéquation avec son fascinant personnage. Le film est aussi l’occasion de révéler une actrice, Elizabeth Olsen, (aujourd’hui noyée dans des effets numériques de la franchise Avengers, et bien en peine de faire valoir son talent), aussi délicate qu’insaisissable.


Si la photo vintage est un peu excessive dans son mode Instagram, l’atmosphère du film reste très prenante par les liens qu’elle tisse sans cesse entre les deux époques, s’acharnant à déjouer les repères qu’on croit pouvoir établir. Martha révèle ainsi qu’elle fustige encore la vie banale de sa sœur et qu’elle reste convaincue par l’idéologie du groupe qu’elle a quitté. Sa confusion permet des raccords troublants entre ses souvenirs et le présent, embarquant le spectateur, par le point de vue interne, dans des séquences d’une confusion particulièrement efficace. On mesure ainsi le traumatisme vécu, et l’impossibilité de se défaire de l’aliénation subie. Celle qu’on avait déclarée « A teacher and a leader » se retrouve certes dépourvue, mais ce n’est pas son refuge qui lui apportera les réponses attendues : lieu interlope, cette maison de campagne du Connecticut est aussi décrochée du réel que l’était sa communauté auparavant, et son beau-frère a beau lui faire la leçon, personne ne croit vraiment dans sa posture pour le moins conformiste.


Autant de prénoms que d’identités, que de tentatives d’individualités : Martha échoue à nouveau, parce que le monde est illisible comme l’est ce lac dans lequel elle avait plongé, nue, et sur la lisière duquel le passé se réinvite. Le final, assez terrible, achève l’identification du spectateur avec cette protagoniste torturée : pas de distance, mais une immersion dans les tréfonds d’une angoisse qui semble sans issue, faisant de ce film un digne héritier de Polanski qui illustrait ce qu’est la réelle épouvante : celle des écarts de notre propre esprit.

Sergent_Pepper
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le 10 nov. 2016

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Sergent_Pepper

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