Sean Durkin, ici réalisateur et scénariste, a éclusé avec sa bobine à peu prêt tous les festivals indépendants Américains, y remportant de nombreuses fois moult prix. Certains critiques nous parlaient d'une ambiance de terreur, voire d'horreur, mais il semble que le Sundance post nineties prenne toujours autant son pied à se complaire dans une mélasse de productions tirées par les cheveux et aux métaphores toujours plus saugrenues. Pourtant, l'oeuvre commençait d'une façon plutôt intéressante, notre jeune protagoniste, Martha (Elizabeth Olsen), s'enfuyant d'une secte afin de prendre un nouveau départ. Pas idiot, Durkin a structuré sa mise en scène de façon intelligente, nous servant un jeu de miroirs où chacune des actions de la jeune femme, la plupart asociales, nous renvoient à l'une des nombreuses étapes de dépersonnalisation infligées par le gourou. Ça marche un temps, la découverte de cette secte intéressant autant qu'elle révulse, puis l'ennui s'installe de façon aussi pernicieuse que peut l'être le personnage interprété par John Hawkes, la faute à un scénario terriblement vide reposant essentiellement sur Martha, ainsi que sa paranoïa d'un moribond achevant totalement le spectateur, surtout dans sa deuxième partie.

Bref, Martha Marcy May Marlene est un film un peu pompeux qui sacrifie le divertissement sur l'autel de la prise de tête. Impossible de nier la compétence du réalisateur à narrer ses deux histoires, servant certaines scènes d'une poésie morbide (le solo de gratte de Hawkes en est un bon exemple), ni la qualité du montage qui réussit à faire s'entrelacer les événements passés et présents avec une fluidité réellement étonnante, mais quelque chose ne fonctionne pas, le style narratif utilisé lassant plus qu'il ne passionne. Au-delà de ses défauts, le véritable atout de la pellicule réside dans son casting, composé d'une Elizabeth Olsen stupéfiante, d'une justesse à laquelle on ne se serait jamais attendu, surtout après un passif aussi douteux. Puis vient s'ajouter John Hawkes, qui après des années à jouer des personnages de second plan s'est retrouvé catapulté ici après un rôle plus conséquent dans Winter's Bone, et comme l'on pouvait l'espérer, il est incroyable, la casquette lui sied à merveille, son look sudiste lui octroyant une crédibilité qu'il renforce grâce à un jeu si bon que l'on ressent chez l'acteur un besoin énorme de s'exprimer, chose qu'il peut enfin se permettre. Celui-ci vient d'ailleurs, involontairement, livrer bataille à une autre grande gueule qui tenait l'année dernière un rôle similaire, à savoir Michael Parks dans Red State. Dans la forme les deux films n'ont certes peu en commun, mais dans le fond, ils restent des critiques de sectes, et force est de constater que dans ce registre, Kevin Smith s'en sortait bien mieux.
Pour conclure, à moins d'avoir une soudaine envie de se prendre le bourrichon jusqu'à la dernière seconde, cette pellicule, peut-être trop intelligente pour être pertinente, ne vous apportera pas ce que l'on pourrait attendre d'un thriller (d'ailleurs il est classé dans cette catégorie, alors qu'en réalité il est assez difficile de lui attribuer un genre). A l'inverse, si c'est la masturbation intellectuelle qui vous donne la motivation de vous lever chaque matin, vous trouverez ici une raison de vivre un jour de plus.
Mention spéciale pour le duo Olsen/Hawkes, tous deux brillants et apportant l'élément permettant à la bobine de ne pas tomber dans l'oubli. C'est une certitude, sans eux le film aurait été aussi utile qu'un toit ouvrant sur un porte-avion.
SlashersHouse
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le 15 févr. 2012

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