Martha est une jeune femme qui vient de s'enfuir d'une secte de hippies un peu désaxés sur les bords. Une violence physique et mentale orchestrée par un leader entiché d'elle qu'elle veut oublier. La jeune femme demande l'aide de sa sœur et s'installe dans sa maison de vacances avec son beau-frère. Elle aura beaucoup de mal à leur cacher ce qu'elle a vécu dans les dernières années de sa vie. Marquée en profondeur, au fer rouge, cette vie faste et naturelle qui lui tendait les bras l'a emplie d'une fougue qui lui faisait croire qu'elle allait renaître. En réalité, elle se brisait à petit feu...


Martha Marcy May Marlene est un film qui présente étonnamment beaucoup d'audace dans le choix de la mise en scène. Même si elle n'arrivera jamais à se sortir de l'asservissement quant au stylé très défini des drames indépendants, l'ensemble apporte une vraie plus-value au film. Du silence de cathédrale présent quasiment tout au long du film au bourdonnement incessant lorsque l'héroïne se sent prise au piège, la réalisation fait toujours l'effort de se concentrer sur son récit et de le servir au maximum. Des plans fixes aux plans lents, les actions se déroulent sous nos yeux sans aucune contrainte de temps ni d'espace. La technique allie l'émotion avec justesse et brio. La photographie désuète et travaillée sans relâche tient de bout en bout. Le charme de la douce monotonie des couleurs opère totalement.


"Tu es un maître et un guide."


Le film alterne la vie de Martha sous deux aspects : sa vie présente et sa vie passée, avec comme parallèle des bribes de ce qu'elle vit/de ce qu'elle a vécu ; on passe d'une époque à l'autre intelligemment par le biais de souvenirs. Si l'exercice de style est parfaitement maîtrisé, le scénario pâtit tout de même de cette trop grande ambiguïté et d'une histoire scindée en deux qui, au final, perd de l'ampleur au fil des péripéties. Et des péripéties, il ne s'en passe pas beaucoup malheureusement ; c'est la faiblesse et la force du film. Si l'introspection de Martha est très bien rendue par le son et l'image, le côté antipathique du personnage et le fait que le récit - dans sa vie présente notamment - soit si linéaire est embêtant à long terme. On en vient à attendre, patiemment puis frustré, une réponse à tout ça.


Elizabeth Olsen est ordinaire mais remplit parfaitement le job, surfant entre la détresse de son personnage et l'envie tonitruante mais canalisée au fond d'elle-même de s'en sortir. Les émotions ont du mal à se dégager du film car même si l'écriture est maîtrisée et plutôt intelligente, elle laisse un petit goût de déjà-vu et de déjà fait. De plus, en coupant la poire en deux, aucune des deux histoire n'est totalement approfondie. Une déception dans un océan de qualités, c'est un moindre mal.


/Spoiler/ La fin est, à mon avis, la partie la plus réussie du film. Là où on pourrait voir une fin complètement ouverte, j'observe au contraire une parfaite conclusion à tout ce que l'on vient de voir et je n'aurais eu aucune autre idée meilleure que celle présentée pour le film. Ce dernier plan fixe, sur elle à l'arrière de la voiture est très fort. Le fait qu'elle soit déjà à l'arrière, en retrait, et que la caméra soit braquée uniquement sur elle, montre déjà qu'elle ne fait absolument plus partie du même monde que sa sœur. Elle n'est plus là, elle ne partage plus la même vie, elle ne partage plus rien. Elle est seule. Le fait qu'on puisse penser que les hippies soient en voiture derrière elle est très bien trouvé. Peu importe si ce sont eux. Elle aura toujours cette sensation d'être épiée par eux, que son malheur pourra la rattraper à tout moment ; elle ne sera jamais tranquille et libre, cette liberté qu'elle a touché du doigt avec eux et qui la fuit désormais. Elle vivra toujours dans la crainte de voir un jour ses souvenirs resurgir. Et pour cause, ils seront toujours derrière elle, tels des fantômes éternels. //Spoiler/


Un film que j'aurai plaisir de défendre à l'avenir et qui, je l'espère, vous plaira autant qu'à moi.

EvyNadler

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