Vu en avant-première au Festival Lumière de Lyon, après une standing ovation méritée pour le grand cinéaste Marco Bellocchio, Marx peut attendre est un documentaire familial qui s'intéresse à la vie et à la mort prématurée du frère jumeau du réalisateur, Camillo.
De prime abord, on pourrait donc penser qu'il s'agit d'un film larmoyant et intrusif mais rien de tout cela se révèle être exact après l'avoir vu. Bien au contraire, la façon qu'a Bellocchio d'aborder la mort de son frère apparaît comme distante voire froide, telle une enquête où le cinéaste interroge plusieurs membres de sa famille pour comprendre les motifs de la mort de Camillo. Rien ici ne relève du pathos malgré l'intention dramatique du film et c'est bien cela qui déconcerte. En effet,
Bellocchio, au fil de ses investigations, finit par admettre le constat le plus terrible qui soit : sa célébrité due à son travail de cinéaste mais également la surdité d'une des sœurs de la famille auraient sans doute provoquer le sentiment d'exclusion ressenti par Camillo toute sa vie durant le menant ainsi au suicide.
Or, cette constatation déchirante est ici annoncée de manière plutôt détachée et c'est précisément toute l'ambiguïté de ce documentaire : évoquer un sujet bouleversant pour le réalisateur lui-même mais avec un ton analytique.
Cette ambivalence donne une certaine force au film, lui permettant de ne pas tomber dans le pathos et donc de ne pas alourdir le propos, mais c'est également ce qui crée une sorte de distance entre le sujet, les personnages et les spectateurs. Marx peut attendre est donc un documentaire ambigu qui ne permet pas au public de trouver sa place devant un sujet si personnel et tragique, mais il est également intéressant quant au lien qu'il permet d'activer entre ce douloureux événement et la filmographie de Bellocchio que l'on comprend mieux après avoir vu ce documentaire.