Après l’immense succès de Guillaume et les garçons à table, Guillaume Gallienne revient avec un 2e film radicalement différent. Il lorgne largement vers le drame, parfois un peu trop misérabiliste, mais s’en sort avec brio en s’attachant aux imperceptibles mouvements d’une héroïne touchante et jamais figée.


Elle


Elle porte son prénom en hommage à une icône (Marilyn Monroe), c’est en tout cas ce qu’elle dira à une actrice qui s’attache à la soutenir. Ce personnage sobrement décrit comme une « femme modeste » dans le synopsis est en fait, un être privé de reconnaissance, de bienveillance et de douceur. Une scène vers la fin du film, le montrera d’ailleurs très bien. Tout tient à un artifice de théâtre, car c’est bien de jeu qu’il est question tout du long, tout tient à des souvenirs de tristesse, d’enfermement, de manque de mots. Tout tient aussi au visage que veulent bien offrir à Maryline les personnages qu’elle croise. Il y a ceux qui hurlent, qui la rejettent parce qu’elle n’est pas aussi à l’aise qu’eux, aussi forte, aussi détendue. Elle est avant tout fragile et fragilisée par des sortes de monstres humains. Heureusement, Guillaume Gallienne met aussi des adjuvants sur sa route, des personnages bienveillants (c’est le mot-clef). S’il pousse parfois le trait ou le curseur du drame un peu loin, le réalisateur sait aussi doser les péripéties de son héroïne pour la faire grandir sous nos yeux, sans qu’elle ne se renie, sans que tout à coup elle ne devienne un papillon majestueux. Il se moque également de ce regard presque surplombant porté sur la détresse de Maryline. Une scène où Maryline est censée recevoir une vieille amie le montre très bien, car elle est un trompe-l’œil magistralement conçu. On se prend de pitié pour le personnage et Maryline nous fait alors un pied de nez.


« Comme un sourire sur ma destinée »


La force du film est surtout de distiller de la douceur, de la franchise et de la beauté aussi, une beauté qui dit que ses personnages sont justes humains. S’il malmène énormément Maryline, la caméra du réalisateur la caresse aussi, la rend belle, puissante avant de la mettre à terre l’instant d’après. Maryline est la vie tout simplement, celle qui tend la main pour l’instant d’après la renvoyer au visage, telle une claque en pleine figure. Le film est aussi une pantomime, un peu comme M qui sort la même semaine, les films partagent une force commune, celle de parler du langage, de l’impossibilité de parler, de se dire, de sortir ce qu’il y a à l’intérieur de soi. Maryline est un personnage physique qui se jette sur ceux qui la désirent, mais qui met à terre aussi ceux qui la blessent. Elle blesse aussi son propre corps, le détruit, l’envenime, elle tombe et se relève. Pourquoi une pantomime ? Parce que le film donne à voir ce qui ne peut complètement être dit et qui va bientôt être joué, parce qu’il se repose sur le jeu d’acteur, le théâtre, les tournages et leurs coulisses. C’est un film de blessure (celle de la chanson de Léo Ferré interprétée avec beaucoup de pudeur par Vanessa Paradis) qui s’ouvre infecte, grandie, est cachée puis exposée, avant peut-être de guérir ? Non car ce n’est pas l’objectif : il s’agit pour Maryline de (se) construire autour de la blessure initiale, autour de l’endroit d’où elle vient, sans le renier. Et la scène finale ne dit rien moins que ça : c’est l’explosion silencieuse de la reconnaissance presque excessive, c’est le théâtre de la vie qui s’expose. Ce n’est pas un conte de fées, ce n’est donc pas un happy end, c’est un hymne à la possibilité de garder la tête haute, même s’il nous est arrivé de la baisser, et surtout un hymne aux doutes, aux peurs que l’on peut finir par vaincre, sans pour autant s’oublier.


« Une femme, avec quelque chose en plus »


On ne pas parler de Maryline sans parler de son actrice principale (la prestation de tous les acteurs est excellente), Adeline d’Hermy. Elle est une tragédienne, une actrice aux mille visages. Elle est surprenante, inattendue et porte le rôle, réellement. Elle dit surtout à travers son regard, son visage et les péripéties qu’elle traverse la possibilité d’être soi sans artifice, avec simplicité : l’actrice nous livre sans cesse une émotion brute. Surtout, elle évite un écueil dans son interprétation de Maryline : elle ne la rend jamais neuneu, jamais trop « venue d’un trou paumé », car ce qu’elle dit par le corps va au-delà du cliché.

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le 16 nov. 2017

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eloch

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