Dans les années 80, la vidéo permettait pour la première fois de regarder des films qui ne passeraient jamais à la télévision et qui étaient trop anciens pour pouvoir être vus au cinéma. C'est comme ça qu'à l'aube de mes 20 ans, je pus enfin découvrir des œuvres "cultes" dont on entendait beaucoup parler mais que peu avait vues (L'exorciste, Voyage au bout de l'enfer, Délivrance, Shining...) A l'époque, au vidéo-club, dans le rayon des films d'horreur, on avait parfois l'impression de choisir une cassette qui sentait le souffre, les commentaires sur les pochettes n'y étant pas étrangers. C'est de la sorte qu'avec une bande de copains, on s'est retrouvés à regarder Massacre à la Tronçonneuse, ça devait être en 86 ou 87. Je me souviens que je m'attendais à voir un simple film très violent mais dès les premières images, ce fut le choc et le silence total parmi nous. Je dois avouer qu'au bout de 30 ans, je n'avais gardé du film que quelques souvenirs peu précis, comme la scène du crochet de boucher, la scène d'intro au cimetière et l'atmosphère glauque de l'intérieur de la maison des dégénérés. Lorsque j'ai vu qu'ils le programmaient à Mons (Belgique), dans le cadre du BIFF, en version remasterisée, je ne pouvais manquer l'occasion de le voir sur grand écran, de redécouvrir un film qui m'avait marqué mais que je n'avais plus revu depuis et dont j'avais oublié et fantasmé la plupart des scènes. Waow!! Tout d'abord, il faut saluer le travail de restauration de ce film qui présente une image et un son magnifiques. Le grain particulier de l'image a été conservé et donne cet aspect vintage propre aux films des années 70. Le film débute par le défilement d'un texte lu. Cette voix nous met directement dans une ambiance angoissante, en précisant que le film est tiré de faits réels (ce n'était pas courant comme maintenant à cette époque) et que ceux-ci ont eu lieu en 1973 (un an avant le film) au Texas. Les premières images d'un cimetière profané sont extrêmement fortes et dérangeantes, accompagnées d'un commentaire radiophonique, comme si on regardait des informations. La scène est fimée de jour sous un soleil plombant et contraste avec les scènes nocturnes dont on était habitués dans les films de genre. Les commentaires radiophoniques continuent et relatent d'autres faits tout aussi sordides. Hooper nous fait comprendre qu'on ne va pas rigoler et qu'il va nous embarquer dans une aventure qui laissera des traces. Dès cette intro, le réalisateur pose le ton de son film qu'on peut résumer en quelques mots: macabre, glauque, folie humaine, désespoir. La scène suivante nous présente cinq jeunes dans une camionnette. On sait forcément qu'ils vont être exécutés. Ils prennent un auto stoppeur déjanté qui leur donne la frousse de leur vie. Ils rejoignent ensuite une maison abandonnée qui est la maison d'enfance de deux d'entre eux. Ils ignorent que leurs uniques voisins sont une famille de dégénérés cannibales. Les scènes de mise à mort sont d'une violence extrême mais restent sobres en hémoglobine, ce qui renforce encore plus notre imagination. Est-ce une tactique du réalisateur ou une obligation en fonction de la censure de l'époque? Les scènes de poursuite à la tronçonneuse, en extérieur et dans le noir, sont très angoissantes. Mais pour moi, ce qui rend définitivement ce film culte, c'est la décoration sordide de l'intérieur de la maison des dégénérés, inspirée de l'histoire vraie de Ed Gein qui décorait sa maison avec des restes humains qu'il déterrait. Certains passages font penser à la maison de Norman Bates dans Psychose. On ressent chez Tobe Hooper son amour du cinéma et sa générosité. Chaque plan est étudié pour être le plus angoissant et sordide possible. Le message anti-carnivore me semble évident, Hooper profitant de son film pour faire vivre aux humains ce qu'ils infligent habituellement aux animaux. Comme toute œuvre culte, le film a défini des codes souvent copiés. Malgré ses 40 ans, il a gardé sa force et peu vieilli. J'ai passé un merveilleux moment de cinéma de genre, merci aux passionnés qui restaurent et diffusent ces vieux films uniques.