Avec Matador, Pedro Almodóvar abandonne l’anarchie de ses débuts pour plonger dans une œuvre baroque, plus maîtrisée, où le désir et la mort s’enlacent. Ce thriller érotique, à la croisée du désir et du macabre, explore la pulsion de mort comme un miroir déformant du désir, un territoire où la jouissance s’épanouit dans l’anéantissement.
Diego, l’ancien torero fasciné par le rituel de la mise à mort, et María, l’avocate trouvant son extase dans l’ultime destruction, incarnent deux figures d’un même fantasme.
Si ses premières œuvres, comme Pepi, Luci, Bom ou Entre tinieblas, reflétaient l’effervescence désordonnée de la Movida madrilène, Matador s’ouvre à une universalité plus réfléchie. Désir, transgression, mortalité : les thèmes abordés ici se déploient avec une maturité nouvelle, touchant des résonances intemporelles et dépassant les marges culturelles de l’Espagne post-franquiste.
Visuellement, Matador marque une évolution. Les compositions soignées, les palettes de couleurs saturées et la précision des cadres traduisent une recherche esthétique. Ce raffinement séduit par sa sophistication là où les premiers films d’Almodóvar tentait de séduire par leur chaos et l'outrance.
Audacieux mais introspectif, provocateur mais profondément réfléchi, Matador ne cherche pas seulement à choquer. En sublimant l’excès par une mise en scène précise, Almodóvar signe une œuvre magnétique qui questionne nos tabous tout en révélant leur fascinante beauté.