Echoués sur une île où moisit joliment le bateau abandonné d'une expédition scientifique, sept tokyoites vont se bouffer le nez, avant de passer aux champignons hallucino-tératogènes, qui ne demandent que ça. Possédés par l'esprit des bolets, ils vont parvenir à une sorte de nirvana et abandonner toutes leurs mesquines chamailleries.
Matango explore une facette originale de la monstruosité et de la contamination, inspirée par les relations symbiotiques que nouent certains champignons.
Ca peut rappeler les plantes extraterrestres voleuses de corps "Body Snatchers" et plus encore la nouvelle originale qui a inspiré "La Chose", un autre film des années 50 dans lequel la menace était de nature végétale (mais, contrairement à la nouvelle et à l'adaptation fidèle de Carpenter, ne contaminait pas ses victimes). Mais bien sûr les champignons ne sont pas des légumes.
Il s'agit en fait d'une adaptation d'une nouvelle de William Hope Hodgson, "la voix dans la nuit" (1907).
Pour le comparer à une autre forme de contamination, le vampirisme (où la transformation passe par l'absorption, où ce qui était craint devient désirable, et conduit au rejet des miroirs), un aspect thématique me rappelle "Je suis une légende" : la métamorphose sanctionnant le passage dans une nouvelle communauté et le changement complet de perspective - une conversion physique et mentale qui rend possible une nouvelle alliance avec le milieu, l'intégration à un nouvel écosystème.
De nombreux films d'Ishiro Honda sont marqués par des préoccupations environnementales.
"Tokyo est ma ville préférée. Tout ce qui m'importe s'y trouve!"
"Les légendes japonaises mentionnent des champignons euphorisants. Ceux qui les récoltaient dansaient aux sommets des montagnes et communiquaient avec les dieux."
"Si j'avais vraiment voulu survivre, je n'aurais pas dû être aussi stupide...et en manger un. Tout le mal...toute la souffrance...toute ma tristesse auraient disparu à la première bouchée !
- Non... Vous devriez vous estimer heureux. On vous a trouvé et ramené chez vous.
- Vraiment ? Tokyo n'est pas différente de cette île. Les gens de la ville sont tout
aussi cruels, n'est-ce pas ? C'est la même chose. J'aurais été plus heureux sur l'île."
En tout cas, je préférerai toujours rester éloigné des laitages.
L'enfer c'est les hommes, le bonheur le mycélium.
Déconseillé aux porteurs de mycoses et aux gens que le désespoir porte sur les paradis artificiels.