Cela commence d'une manière assez classique on va dire. Classique, c'est le terme qui colle le mieux au début du film : tout est lisse, propre, riche et poli. Pourtant, sous sa tacite impassibilité, le personne de Chris dissimule une faille, un certain mal-être : dès le départ il se résigne et se conditionne à un moule établi à l'avance, et qui correspond à l'idéal social de la Réussite : argent, mariage, milieu social élevé, culture. C'est là qu'apparaît Nola (quelle belle femme cette Scarlett!). Nola est une jeune femme seule, incomprise et crispée par son manque de confiance en elle, qui s'obstine cependant dans tout ce qu'elle entreprend. Elle est faible et forte à la fois.
Leur rencontre marque la naissance du danger, le moment où on sent que les choses vont se bousculer.
Un scénario classique s'ensuit : adultère, puis l'équilibre précaire qu'ils avaient réussissaient à maintenir en dupant leur entourage ploie au fil du temps. Et un bébé. Merde.

Le personnage de Chris me paraît inintéressant, fade, sauf lorsqu'il est torturé par Nola. On ressent une vraie tension. En tout cas, j'ai beaucoup aimé la manière dont Woody Allen représentait un homme en proie au désir et à l'adversité, sans en faire trois tonnes.

La fin donne tout son sens au film. Elle est dérangeante, rageante, tragique. Même si deux détails m'ont chiffonnée, (l'hallucination de Chris que rêve l'inspecteur de police, et la bague de la mémé qui se retrouve dans la poche de l'héroïnomane), j'ai trouvé cette fin parfaite, parce que vraie : la chance, le hasard existe et pas toujours pour les bonnes personnes. L'injustice existe malheureusement, la lâcheté aussi.
On peut voir cette fin aussi comme une constatation cruelle et distanciée des moeurs sociaux d'aujourd'hui : toujours garder les apparences, l'aspiration à un idéal de vie, la course à la réussite socio-professionnelle, l'égoïsme... Mais surtout garder les apparences oui. D'une part pour Chris, d'autre part pur l'inspecteur qui abandonne au dernier moment : après tout, pourquoi un jeune homme d'affaire, beau, prometteur, ambitieux, aisé, marié avec deux enfants serait coupable d'un crime?
Silencio
8
Écrit par

Créée

le 26 févr. 2011

Critique lue 3.7K fois

41 j'aime

Silencio

Écrit par

Critique lue 3.7K fois

41

D'autres avis sur Match Point

Match Point
Grard-Rocher
9

Critique de Match Point par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Chris Wilton est un excellent joueur de tennis à tel point que, débarquant à Londres, il parvient à se faire remarquer par un riche club afin d'exercer la fonction de prof de tennis. Il a ainsi ...

64 j'aime

45

Match Point
Silencio
8

Critique de Match Point par Silencio

Cela commence d'une manière assez classique on va dire. Classique, c'est le terme qui colle le mieux au début du film : tout est lisse, propre, riche et poli. Pourtant, sous sa tacite impassibilité,...

le 26 févr. 2011

41 j'aime

Match Point
Theloma
10

Le jeu de l’amour et du hasard

Dans la filmographie de Woody Allen, Match Point est un film à part. Boudé à sa sortie par la critique professionnelle, notamment anglaise (le film fut tourné à Londres), il s’avère être un des chefs...

le 7 avr. 2019

37 j'aime

14

Du même critique

Paris Is Burning
Silencio
10

"Because I never felt comfortable being poor. I just don't."

Quelle claque Paris Is Burning m'a foutue dans la gueule et dans les yeux. Ce documentaire a définitivement marqué une transition dans ma façon de percevoir la mode. Quand j'ai eu des soubresauts de...

le 7 juin 2013

41 j'aime

1

Match Point
Silencio
8

Critique de Match Point par Silencio

Cela commence d'une manière assez classique on va dire. Classique, c'est le terme qui colle le mieux au début du film : tout est lisse, propre, riche et poli. Pourtant, sous sa tacite impassibilité,...

le 26 févr. 2011

41 j'aime

Le Lauréat
Silencio
8

The rebel waltz

Le Lauréat est une comédie rafraîchissante, douce et dingue à l'image de ses protagonistes. On prend plaisir à suivre les tribulations cocasses de Benjamin, jeune diplômé tour à tour angoissé face à...

le 19 mai 2013

27 j'aime

1