J'ai fait souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une matrice bien connue, rebootée et qui défie même
Mes attentes, et qui ne serait ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, pour faire taire les éternels mécontents.
Matrix Resurrections semble avoir transformé mes rêves en réalité.
En défiant même cette dernière le temps de ces premières minutes, qui questionne tant le monde dans lequel l'oeuvre est née, l'incluant dans son propos, que la nature de ce que la saga originelle a bâti trois épisodes durant.
Après une introduction en forme de revival servile, Lana Wachowski met les pieds dans le plat, en la concluant d'un « Pourquoi programmer du neuf avec des bouts de vieux code ? » qui a tout de la note d'intention. Avant d'évoquer les souvenirs brumeux du raz-de-marée en forme de phénomène de société, du merchandising, du désir ardent de réanimer le cadavre d'un succès dont les suites ont pourtant plus que divisé le public et les critiques. Le tout avec une verve et une ironie mordante.
En lâchant ensuite la bombe d'un Thomas Anderson dépressif, qui se serait laissé emporter par ses hallucinations qui ont envahi son quotidien, l'oeuvre de son esprit qui l'a dépassé, qui en a été dépossédé.
Il en résulte une drôle d'impression : car Matrix Resurrections ne se démarque jamais totalement de sa trilogie originelle, pour mieux l'embrasser et l'envisager sous un autre angle. Pour mieux faire courir dans ses veines la nostalgie et l'enthousiasme ingénu de nouveaux personnages qui ont ouvert les yeux grâce à la légende de Néo, Trinity et Morpheus. Une nouvelle garde admirative des aînés, fan des figures avec lesquelles elle a grandi.
Plus d'une fois, Néo se souvient de ses exploits passés ou se regarde, incrédule, alors que vingt ans ont passé. Même son arme fatale, le bullet time, est utilisé contre lui. De quoi sans doute laisser penser que les sœurs Wachowski se sont senties prises au piège de leur création et de la révolution qui a été reprise, copiée, clonée par la plupart des films d'action modernes.
C'est sans doute ce qui explique, sur cet aspect, non pas un renoncement, mais un profil bas et humble dans la mise en scène de la cinétique et de la baston. Aucune invasion spectaculaire de sentinelles, aucun burly brawl à l'horizon, mais plutôt nombre d'images subliminales, de souvenirs entremêlés de séquences cultes, de mélange de genres au service d'une action qui est cependant loin d'être dénué de panache.
Comme si la trilogie avait été passée au shaker, jamais à la faveur d'un fan service sclérosé, mais pour mieux en offrir au public un vibrant écho, à l'image de ce qui se passe toujours entre Néo et Trinity, même vingt ans plus tard, et dont certaines lignes de dialogues alternent entre la confession, la mélancolie et la tendresse qui touche au cœur.
Un drôle de mélange exaltant, entre réflexion méta, déclaration d'amour, nostalgie et droit d'inventaire, qui défie les attentes et transporte Matrix Resurrections vers le terrain d'émotions qui, dans le cadre d'une suite / remake de blockbuster, relèvent de l'inattendu.
Behind_the_Mask, qui en a paumé ses lunettes de soleil.