L'oeuvre de Spike Jonze est définitivement l'une des plus créatives et touchantes des ces dernières années. Après l'avoir découvert en 2013 avec son Her à fleur de peau, il me tardait de m'attaquer à cet intriguant Max et les Maximonstres - Where the wild things are - adaptation du livre pour enfant éponyme de Maurice Sendak que je n'ai malheureusement pas encore lu. J'y ai découvert un pur bijou de poésie. Une épopée enfantine magnifique et certainement un des films qui m'aura le plus touché. Visuellement proche de la perfection, cet ode à l'imagination enfantine est ravissante et rafraîchissante.
Un chien qui court en aboyant, poursuivis par un enfant déguisé en loup une fourchette à la main. Voici Max. On découvre dans cette agitation l'enfant d'une dizaine d'année visiblement différent à l'imagination débordante et au comportement exubérant que sa famille ne s’efforcera pas de comprendre. Le monde est un jeu pour lui. Mais le monde ne semble pas vouloir jouer avec lui, si ce n'est lors d'une bataille de boule de neige qui se soldera par la destruction de son igloo par les amis adolescent de sa sœur. Hypersensible, isolé et incompris il devient l'emblème de l'enfance différente.
La partie du film qui précède celle du voyage dans le monde des Maximonstres n'est qu'une présentation diablement efficace et concise du monde réel dans lequel vit Max. Celui qu'il va remplacer pour l'espace d'un moment par sa propre construction imaginaire. Spike Jonze ne s'étale pas et installe succinctement avec une simplicité folle, en quelques séquences seulement, les rapports qu'entretient l'enfant avec son entourage. Sa sœur ne semble pas se soucier de lui. Sa mère quand à elle le brime pour faire bonne figure auprès d'un inconnu qu'elle aura ramené à la maison. Une absence de figure paternelle donc qui semble affecter notre petit monstre. Sa mère est exaspérée par le comportement de son enfant qui ne cherche rien d'autre au final qu'un peu d'attention et d'amour. Mais elle a ses raisons que Max ne comprend pas.
Alors Max s'enfuit et se réfugie dans le monde imaginaire et sauvage des Maximonstres. Dans son monde à lui. Un monde régit par des règles tout droit sortis de l'esprit d'un jeune enfant. Si tant est qu'il y ai des règles. Ce microcosme fantastique est un refuge idéal pour Max. Il y fait la connaissance de créatures qui semblent n'obéir à personnes. Des Maximonstres libres comme l'air. Des maxi-enfants poilus et cornus en somme. Éblouissants de par leur perfection technique ces monstres seront les amis de notre petit Max qui en plus d'être leur ami sera leur roi. Il devient alors le souverain de son propre monde intérieur. D'une liberté poétique affolante les dialogues enfantins n'ont pas tout le temps comme objectif premier d'être compris rationnellement, de même pour les actions des personnages. Ils ne respectent aucune logique, et son régit par un ensemble d’envies et de pulsions que seul un cœur et un esprit d'enfant peuvent abriter. Ça saute de partout, ça frappe dans les arbres, ça rigole à plein poumons, ça mange des cailloux, etc... Le doublage irréprochable des Maximonstres effectué par un casting exclusivement adulte joue de façon amusante sur les contrastes pour troubler la limite entre l'âge adulte et l'enfance. On dirait de gros enfants qui se prennent maladroitement pour des grandes personnes. Comme lors de nos jeunes années où l'on s'amusait à se prendre pour des parents, des officiers de police ou bien des docteurs.
La folle équipe est composée de la touchante KW, du facétieux Alexander (doublé par Paul Dano ♥), du taciturne Ira, du sérieux Douglas, du mystérieux The Bull, de la sauvage Judith, et surtout de Carol, celui qui sera le plus proche de Max. Il sera à la fois son meilleur ami, sont confident, une figure paternelle et protectrice, mais également une sorte de doublure allégorique. Le film prend alors des allures de conte lorsque l'on s'aperçoit que chacune des créatures a pour but d'exprimer une idée ou des notions familières à Max et de les remettre en question. Le monde des Maximonstres devient un espace réflexif où l'enfant apprend et se heurte à de nombreuses difficultés, à ses propres peur. Toutes les notions qui ont étaient abordées dans l'introduction du film sont ici mélangées par l'esprit de Max. La responsabilité, l'amour, l'abandon, l'amitié, la destruction, le mensonge, la jalousie, tout autant de concept qu'un enfant de son âge se doit de d'appréhender s'il veut être en phase avec un monde réel parfois dur. Le traitement thématique et narratif reste l'un des éléments du film le plus original. D'un minimalisme enfantin le scénario peut se résumer en quelques lignes seulement. Mais les émotions brutes qui traversent chacune des séquences, quand à elles, sont indescriptibles. D'une intensité et d'une pureté inouïe elles transpercent l'écran pour nous toucher directement. Le tout rythmé par une bande son signée Karen O and the kids, qui, bien que trop présente, reste touchante. Surtout lorsque les voix d'enfants se juxtaposent à ces images de Max épanouit et heureux. Le petit être émotif qui sommeil en moi n'a pas pu retenir ses larmes lors de l'adieu entre Max et Carol. Lorsque tout les deux ainsi que tout les autres Maximonstres unissent leur voix en un hurlement de loup déchirant. À bord de son petit bateau, Max le petit loup s'en va grandit de son esprit. Il se sépare de ses démons avec lesquels il est devenu ami
L'une des séquences les plus intéressantes à mes yeux – également une des plus difficiles à tourner - reste celle où Max décide d’entreprendre la construction de son royaume. Ainsi au plein milieu d'un désert naît une immense cabane en bois, le rêve de tout petit garçon. Comme si au milieu d'une feuille blanche, un dessin d'enfant prenait vie, pas tout à fait aboutit, un peu moche, mais à l'intention sincère. Max dit lui-même qu'il veut construire un endroit où tout les Maximonstres et lui même pourront vivre heureux et dormir entassés les uns sur les autres. Ses intentions transpirent d'amour. Il finit par rentrer de son aventure extraordinaire pour retrouver sa mère, qu'il comprend désormais un peu mieux, avec le bagage nécessaire pour affronter ce monde réel qui lui était jusqu'alors méconnu voire hostile.
Spike Jonze produit ici avec simplicité et poésie une réflexion sincère et intelligente sur la psychologie enfantine qui marche à merveille et qui, en plus de bousculer l’intellect du spectateur, touche au cœur de l'enfant qui sommeil en chacun de nous. Brillant et lumineux, aussi beau esthétiquement que dans l'intention, ce film est un bijou de tendresse ultime. Et je n'ai plus assez de mots pour continuer à décrire l'effet que ce film dont je suis tombé follement amoureux aura eu sur moi en remuant mes souvenirs d'enfances et mes émotions.