... Et le grand jour est peut-être enfin arrivé pour Maxine Minx ! Celle dont la carrière d'actrice dans l'industrie pornographique commence à s'étioler avec l'âge vient en effet de décrocher le rôle vedette d'une suite de film d'horreur (le bien nommé "La Puritaine 2") portée par une réalisatrice très ambitieuse. Mais, alors que le tristement célèbre tueur en série Nightstalker rôde dans Los Angeles, les débuts de véritable comédienne de Maxine vont se heurter à un retour de flammes d'un épisode tragique de son passé : un certain massacre survenu au Texas il y a voilà plusieurs années...
Eh oui, le troisième volet d'une saga que l'on n'avait pas vu venir va évidemment ramener pour sa conclusion (?) les événements plus que traumatiques de "X" en pleine face de sa Maxine de star et, avec eux, tout l'historique dévoilé par "Pearl" sur celle qui était son antagoniste/aînée jumelle (et même Mia Goth d'ailleurs) aux rêves brisés pour tenter en 1985 de barrer la route aux envies de gloire de son héroïne cette fois plongée en pleine industrie hollywoodienne vérolée par la superficialité.
Encadré par une célèbre citation de Bette Davis en ce sens et un morceau parfaitement pensé pour lui faire miroir durant le générique de fin, "Maxxxine" nous convie donc au sein d'une Amérique 80's dans laquelle Ti West, comme à son habitude, nous immerge instantanément avec sa patte signature de méticulosité formelle sur le rendu de l'ambiance de toute une époque. Split-screens en cascade, coke à tout va, un sentiment d'insécurité qui ne cesse de grimper, des bobines de VHS qui chauffent dans les magnétoscopes, des néons racoleurs clignotant à gogo sur les façades, de la vapeur d'égout baignant des ruelles malfamées, des notes de synthés devenues la bande originale de la vie de toute une génération, des possibilités d'assouvir ses fantasmes pour quelques dollars dans de sombres arrières-boutiques, des tueurs en série stars des journaux télévisés... L'Amérique conservatrice de Reagan, préférant hypocritement éliminer du cadre tout ce qu'elle juge contraire à sa morale plutôt que de s'interroger sur ses propres déviances, s'incarne à la perfection dans ce Los Angeles délétère, anti-chambre d'un Enfer artificiel focalisé sur le cinéma, et dans lequel Maxine Minx est à elle seule la boule de fureur prête à exploser sous le poids de ces contradictions intenables.
À la fois ingénue, talentueuse, déterminée, perdue et capable d'envolées violentes ne laissant pas la moindre chance à ceux qui subissent son courroux (son premier coup d'éclat envers un Buster Keaton d'opérette à de quoi laisser muet le spectateur par la rage vengeresse qui s'en dégage), notre chère Maxine va voir son instabilité mentale ne cesser de grandir au fur et à mesure que ses rêves et la flamme ravivée de ses cauchemars se percutent, tiraillée en plus par une nébuleuse de personnages satellites pouvant tout autant servir de tremplins à sa gloire tant espérée (excellents Giancarlo Esposito et Elizabeth Debicki) que causer sa chute (un génialement détestable Kevin Bacon).
Cependant, si l'atmosphère moite de ce polar aux savoureux relents giallesques devient un parfait complément de ton au triptyque dessiné par le réalisateur avec "X" et "Pearl", il faut bien avouer que sa force de percussion formelle se dilue sur la durée et ne parvient pas à rebondir sur celle de son discours critique envers Hollywood, forcément beaucoup moins original que les approches de ses prédécesseurs avec tant d'autres longs-métrages ayant déjà mordu avant lui la main qui les nourrit. De plus, "Maxxxinne" va hélas décevoir lors de la révélation majeure de son dernier acte en faisant appel à un archétype un peu trop facile en guise de némésis à son héroïne, réduisant finalement toute la portée et la construction psychologique de ce fabuleux personnage à quelque chose d'assez attendu pour ce qui aurait dû être le feu d'artifice d'un ultime affrontement.
Certes, Ti West aura encore quelques belles cartouches à offrir à ce moment avec un bon vieux massacre dont il a le secret, une prolongation plutôt amusante de la personnification de cette Amérique engluée dans ses œillères moralisatrices difformes ou une ascension littérale vers les sommets hollywoodiens mais, sans pour autant démériter, il faudra reconnaître que le dernier virage de "Maxxxine" trahit parfois quelques signes d'essoufflement d'une trilogie qui fait peut-être bien d'arriver à son terme.
En cela, "Maxxxine" ne nous laissera probablement pas la même empreinte durable que "X" ou "Pearl" mais il n'en demeure pas moins le point final globalement réussi (enfin, on l'espère vu que Ti West parle d'un quatrième film) d'une trilogie surprenante, complètement atypique dans le paysage horrifique contemporain et où un formaliste au talent incontestable n'a eu de cesse de mettre en lumière toute l'étendue du talent de cette incroyable actrice qu'est Mia Goth. Définitivement une star.