MaXXXine
6.3
MaXXXine

Film de Ti West (2024)

Le voilà enfin ce troisième volet d'une trilogie (?), sorti bien après les deux précédents que sont X et Pearl. Je l'attendais avec une certaine impatience, d'autant plus que les autres avaient été tournés à la suite, avec, en conséquence, une diffusion en salles assez rapprochée (quelques mois d'écart à peine... du moins, en ce qui concerne les États-Unis !).


Petite précision rapide pour celles et ceux qui ne connaissent pas trop, vous pouvez tout à fait visionner ce film sans avoir vu Pearl, qui est un préquel sur l'antagoniste de X, incarné par Mia Goth, jouant aussi le protagoniste dans... X (oui, la comédienne prête ses traits à deux personnages dans ce long-métrage !) et dans l'œuvre critiquée ici (ça va, vous arrivez à suivre ?). Par contre, Maxxxine, étant une suite de X, visionner ce dernier avant est plus que recommandé.

Alors Pearl, bien que se déroulant durant la grippe espagnole, avait l'esthétisme du glamour hollywoodien style MGM de l'âge d'or, que pour mieux contraster l'horreur qui se cache derrière des apparences colorées, propres et gentillettes. X, avait pour cadre la fin des années 1970, avec une ère libertaire, bien désenchantée, qui vivait son crépuscule. Le tout sur un décor et un scénario faisant, d'une manière complètement assumée, référence au style d'horreur réaliste de The Texas Chainsaw Massacre.


Pour Maxxxine, on est plongés en 1985, en plein dans la décennie de Reagan, marquant la naissance d'un néolibéralisme exacerbé, avec son outrance visuelle, matérialiste, inégalitaire, consumériste (y compris pour la sexualité !), dans laquelle la bigoterie la plus effrénée veut y faire sa place. En résumé, une société bien malade, schizophrénique.


Sur cette toile de fond, on suit donc Maxine, qui a décidé de quitter le cinéma porno pour intégrer le circuit plus "traditionnel" du septième art. Déjà, pour une personne avec un CV "clean", intégrer ce monde bien fermé est très compliqué, alors pour une ancienne actrice X, la tâche est encore plus ardue. Mais (la citation, au début, de Bette Davis, annonce bien la couleur !), quand on est soi-même un monstre, on part avec un immense avantage lorsque l'on souhaite faire son trou dans un univers de monstres. La jeune femme n'est pas un pauvre innocente, totalement écrasée par le moindre type lui voulant du mal. Au contraire, que ce soit dans une ruelle malfamée, dans un night-club sordide ou dans une villa dans les hauteurs de la Mecque du cinéma, malgré le fait que dans chaque centimètre de Los Angeles, le moindre danger peut être présent (avec même l'évocation d'un véritable tueur en série qui terrorisait la ville lors de cette période !), notre héroïne, par un naturel bien bordeline, prouve que dans chaque circonstance, elle a du répondant. Si on la cherche, on regrette de la trouver (Mia Goth brille incroyablement dans ce registre... mon Dieu, ces deux plans-séquences de dingue dans Pearl !). Dans cet angle-là, le film est intéressant.


Autrement, par rapport aux deux opus antérieurs, on n'est plus tant dans le film d'horreur pur (avec un aspect psychologique assez prononcé pour Pearl !) que dans le thriller horrifique. Tobe Hooper de X laisse la place à Dario Argento, à John Carpenter et à Brian De Palma (il y a quand même le point commun d'un hommage à Psychose d'Alfred Hitchcock !). En s'appuyant beaucoup sur ses références, celles et ceux qui ont regardé des œuvres de ces réalisateurs ne seront pas du tout étonnés par le déroulé des événements (et l'identité de l'assassin n'est pas du tout surprenante... franchement, si le visage de celui-ci avait été montré dès sa première apparition, j'aurais eu l'impression d'être moins pris pour un con !). Mais l'imprévisibilité n'a jamais été la qualité première de cette trilogie, du fait qu'elle se nourrit énormément des codes des films, des cinéastes et des genres sur lesquels elle se base. Reste que jusqu'ici, pour compenser et se distinguer en dépit de ce handicap, Ti West avait trois cartes maîtresses : un indéniable immense talent pour la technique, un casting d'acteurs solide, dominée par une Mia Goth, absolument fabuleuse, et le fait que les acteurs en question prêtent leurs traits à des personnages certes archétypaux, mais suffisamment bien creusés et bien interprétés pour qu'on s'y attache.


Pour la technique, l'intro du film de famille, datant de 1959, ne retrouve pas la texture sonore et visuelle de cette époque. Pour les années 1980, loin de retrouver le grain de la pellicule argentique, avec un côté VHS authentique, auquel on aurait pu légitimement s'attendre, on tombe dans la banalité d'une image numérique lisse (alors que dans X, on avait le côté granuleux des années 1970, et pour Pearl, le numérique sert plus qu'il dessert le propos !).


Pour ce qui est de l'équipe d'acteurs, point de vue interprétation, il n'y a rien à redire... point de vue interprétation... Et West ayant un budget beaucoup plus considérable (ce qui se voit aussi par la multiplicité des décors ici, donnant l'impression que c'est toute la "Cité des Anges" qui est filmée, alors que dans les deux autres volets, on était quasi limité à une ferme et à ses alentours immédiats !), il se paye une distribution avec des visages bien plus célèbres (tandis que dans X et Pearl, les seconds rôles, indéniablement tout aussi talentueux, je le reprécise, étaient pour ainsi dire des inconnus... quoi ? pardon ? ah Jenna Ortega dans X ? ben, c'est un peu particulier, car si elle commençait déjà à être connue, à ce moment-là, en tant que scream queen, le carton de Netflix, la série Wednesday, ne l'avait pas encore introduite auprès d'un public bien plus conséquent !).


Elizabeth Debicki, Michelle Monaghan, Bobby Cannavale, Lily Collins, Giancarlo Esposito, Kevin Bacon (qui offre un numéro mémorable en détective affreux, mais se confrontant à une Maxine n'ayant rien à lui envier en termes de sadisme, tout en se payant un Bloody Mary, sans en consommer une goutte, et en se retrouvant avec un pansement à la Jack Nicholson dans Chinatown !)... ouais, cette liste de noms fait envie, on ne va pas se le cacher.


Malheureusement, les seconds rôles, aussi prestigieux soient-ils pour le coup, font plus acte de présence, de temps en temps, au cours du récit, que d'incarnations avec de la consistance, que l'on a le temps de connaître, pour lequel on peut avoir peur (allié à un sentiment douloureux, pour certains, de perte si le personnage en question se fait occire !), ayant une influence quelconque sur les événements. C'est un très gros problème (qu'il n'y avait pas du tout dans X et Pearl... c'était même une de leurs grandes qualités, comme je l'ai susmentionné !). En fait, on pourrait supprimer la plupart de ses seconds rôles que cela ne changerait rien (ou très peu de choses dans le meilleur des cas, une ou deux petites modifs et c'est bon !). Ce sont juste des noms sur l'affiche.


Et, plus globalement, c'est le résultat d'une écriture bâclée d'un long-métrage qui ne sait pas s'il veut aller vers le giallo ou s'il veut se consacrer à l'ascension vers la gloire de Maxxxine (symptomatique de tout ce bordel, on ne la voit jamais tourner quoi que ce soit alors qu'elle traîne souvent sur les plateaux !), ou éventuellement équilibrer les deux, en les mettant en parallèle... pourquoi pas. Quant à l'affrontement final, on vire au grand-guignolesque le plus risible, annihilant toute possibilité de tension, même tardive, avec une réalisation qui n'aurait pas détonné dans une série Z philippine.


Et je n'évoque même pas l'incohérence du personnage principal, s'en battant les ovaires puissance 10000 lorsque deux de ses amis se font tuer, mais qui est bouleversé et décide de réellement agir lorsqu'une femme, avec qui elle a uniquement eu deux brefs échanges auparavant, est, à son tour, zigouillée.


Bref, si c'est une conclusion, en dépit de quelques bons trucs, elle est bien décevante. Si elle n’en est pas une, alors j'espère qu'un quatrième film saura corriger le tir.

Plume231
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le 31 juil. 2024

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