Métamorphose narcissique
J'aime beaucoup le cinéma de Todd Haynes, lorsqu'il s'attache à porter sa caméra au delà du mur des apparences pour disséquer un certain "American way of life", et traquer les malaises et...
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le 26 janv. 2024
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J'aime beaucoup le cinéma de Todd Haynes, lorsqu'il s'attache à porter sa caméra au delà du mur des apparences pour disséquer un certain "American way of life", et traquer les malaises et contradictions dissimulées derrière un masque social trop lisse.
A la manière de certains grands cinéastes, Haynes est un méticuleux, sociologue quasi obsessionnel, capable de reproduire avec minutie, des comportements affectés, dictés par l'appartenance à une classe sociale, ou des intérieurs bourgeois cossus, et d'adapter sa mise en scène aux situations. Mais parfois, cette rigueur, cette recherche extrême de vérité, conduit à reproduire les effets de l'objet étudié, et il arrive comme c'est le cas ici, que les sentiments d'enfermement, d'ennui transpirent à travers l'écran et viennent impacter nos faibles esprits.
May December s'inscrit tout à fait dans cette dynamique.
Les premiers plans de la magnifique demeure de Gracie et Joe, sont représentatifs de ce soin extrême, confèrent un étrange sentiment, celui de feuilleter Modes et travaux ou Marie-Claire idées ; chaque coussin, chaque objet est exactement à sa place, même lorsqu'ils évoquent un désordre parfaitement orchestré.
Les personnages notamment donc celui de Gracie, femme d'âge mur et de son tout jeune époux semblent en accord parfait, en représentation permanente d'un bonheur conjugal sans nuage. Pourtant, la réputation d'Alice est fortement entachée par un passé tumultueux : elle a rencontré et "cougardisé" le beau Joe alors qu'elle avait 36 ans et lui douze , a été condamnée pour ce "haut fait d'armes". C'est de cette inconvenance morale dont Elizabeth (Nathalie Portman), actrice dans le film, vient s'imprégner pour interpréter Alice au cinéma. Déjà alourdie par ces convenances feintes, l'atmosphère va rapidement devenir étouffante avec l'arrivée de ce nouveau protagoniste.
A ce stade, le réalisateur surprend : l'étude sociologique de ce couple atypique s'efface pour laisser place dans un premier temps à un récit reprenant les codes du film d'enquête, dans des scènes aux dialogues insipides et d'un intérêt discutable (les deux femmes dans un atelier de composition florale...). L'ensemble ponctué par une musique minimaliste, deux notes de piano, répétées encore et encore jusqu'à l'indigestion (Musique de M.Legrand écrite pour le film "Le messager" et reprise par l'émission "Faites entre l'accusé".....)
Très rapidement donc se dégage le sentiment que Haynes a perdu le contrôle de son film, une galerie de personnages secondaires apparaissent puis disparaissent : une voisine/amie, faisant un temps office de narratrice (?) , le passage dans deux scènes du premier fils de Gracie pour ....? idem pour l'ex-mari ou la petite fille de cette dernière aperçue dans un restaurant , une (supposée) fille cadette du couple qui débarque même, comme si elle avait raté le début du tournage...Tous, sorte de deus ex-machina mais qui ne dénouent aucun enchevêtrement, et dont la présence visuelle furtive n'apporte rien au récit. L'étude esquissée (puis mise entre parenthèses) de ce couple atypique révélant un Joe incapable de s'accomplir, sous l'emprise matriarcale de Gracie, mais rêvant de métamorphose à l'image des chrysalides est ostensiblement et définitivement abandonnée. .
La dissolution se produit au profit de l'étude de caractère du personnage d'Elizabeth. Cette dernière "envahit" peu à peu chaque plan, vampirisant le métrage qui devient littéralement un jeu de faux miroirs, dans lequel les femmes se contemplent, se jouant du spectateur qui subit de longs plans silencieux en regards caméras. Le procédé est ici assez intéressant, mais une fois encore, la référence trop appuyée (au Persona de Bergman cette fois) finit par donner la nausée.
Ces scènes d'actrices, notamment celles avec Nathalie Portman, son jeu artificiel composant une personnage égocentré, sans âme, construit uniquement par l'image renvoyée par ces miroirs, finissent également par induire un certain malaise. Avec un peu de malice, il est même permis de penser que la belle Nathalie n'a pas eu à forcer son talent (?) pour incarner une comédienne qui se regarde jouer, "Narcisse" hypnotisée par son reflet, probablement encouragé par un un cinéaste lui aussi très, trop soucieux d'effets narratifs et visuels dont il est visiblement très fier.
Mais... Todd ?
.... ?
Tes spectateurs, tu les a oubliés ? Depuis, deux heures ils contemplent tes plans soignés mais un peu froids, ton actrice qui ne joue que pour elle, deux heures qu'ils s'emmerdent un peu tout de même, eux qui ne demandaient qu'à être transportés ! Puisque tel est votre souhait, nous vous laissons entre vous.
tadam, tadam
Tadam, Tadam,
TAdam, TAdam
TADAM, TADAM
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le 26 janv. 2024
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60 j'aime
9 commentaires
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