Les femmes aiment manger froid
Il y'a des films, à la fin de la bobine, où l'on se pose la question "est ce que j'ai aimé ?". Meat grinder est un de ceux là. Non pas à cause du fond mais de la forme, qui est une représentation visuelle du fond. Comme le fond est torturé, le visionnement de cet OVNI ne se fera pas sans souffrir.
Be aware, or beware ...
Le film parle d'une mère et de sa fille. Le mari est parti avec la baby sitter, laissant sa famille sans le sou et avec des dettes de jeu à régler. La femme, qui a manifestement vécu une enfance plutôt éloignée des contes de fée, vivote en vendant des légumes avec une carriole. Un jour, lors d'une répression policière du genre musclée, elle va faire la connaissance d'un homme qui va lui sauver la mise. Mais en allant récupérer sa carriole, sa fille lui montre qu'il y'a du sang qui coule de celle ci. Un jeune s'était caché à l'intérieur de sa roulotte et est mort de ses blessures. Comme il faut bien se débarrasser du corps, elle le passe à la moulinette, et décide d'ouvrir un restaurant. Mais le créancier vient réclamer ardemment les intérêts de la dette de son mari ...
But be fair !
(un grand bravo à celui qui saisira le clin d'œil des titres)
Jusque là, l'histoire parait banale, un fond classique pour une histoire de cannibalisme. Sauf que justement, le fond ce n'est pas ça. En fait, le rythme narratif extrêmement lent fait que ce petit résumé peut durer au moins une heure ... dans la tête. Dans les faits, le film dure 1h30 mais le rythme est si lent qu'il donne l'impression de durer trois heures, dont une heure pour poser l'histoire.
Ce n'est pas tout. La narration ne suit pas non plus une ligne temporelle continue. Elle est constituée de flash back incessant, mélangeant présent, passé et imaginaire ...
Voilà le troisième point qui fait qu'il est très difficile d'accrocher: tout n'est pas réel mais altéré.
J'étais sur le point de laisser tomber devant tant d'incohérence, de complexification et de la vacuité du scénario quand j'ai eu une illumination. Cette rythmique si lente, ce visuel si travaillé et pourtant si fouillis, voilà qui me rappelait un petit bijou de cinéma qui m'avait scotché la rétine il y'a quelques années: A tombeaux ouverts !
En fait, la caméra montre une réalité subjective, celle de l'héroïne du film. On vit en même temps qu'elle. On regarde comme elle perçoit. On se souvient comme elle mélange.
Seul problème, c'est que l'on voit aussi en même temps de l'extérieur. C'est là qu'il est ardu de ne pas se perdre, autant dans l'histoire et la vérité que dans l'envie de continuer à regarder la suite.
Alors voilà. Il peut être pris comme un film d'horreur tout bête, avec une femme qui pète les plombs et dézingue de l'humain pour en faire des nouilles farcies. Dans ce cas, c'est plutôt pas terrible, voire merdique. Les scènes gores ne sont pas très bien montrées (le découpage se fait hors cadre), le rythme est très lent, les surprises n'existent pas puisque tout est montré et les morts sont peu nombreuses ...
Mais il peut être pris comme un exercice de style. Et à ce niveau, c'est une petite perle visuelle. L'image est très propre quand la perception n'est pas altérée, troublée, confuse ou filtrée quand la caméra se place dans l'esprit de l'héroïne. Le fond se permet même d'être une métaphore sur les femmes si faibles qui, exploitées jusqu'à la moelle, peuvent se transformer en monstre de barbarie. Une diatribe sur l'homme qui détruit la pureté de ce qu'il touche, impudent qu'il est de se croire si supérieur ...
Je ne sais pas si j'ai aimé, je ne sais pas si j'ai envie de réfléchir sur le fond, mais c'est le quatrième film d'horreur thaïlandais que je me découvre, et c'est la quatrième fois que je suis surpris ...
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