Le film reprend plusieurs moments phare du mythe de Médée et Jason, principalement sur le premier et dernier acte de la toison d'or.
Ainsi l'histoire démarre sur une ile où Jason enfant et recueilli et protégé par le centaure Chiron. Car Eson, le père du héros a été détrône par son frère Pelias. Le centaure lui fait son éducation et à chaque scène Jason grandit jusqu'à l'age adulte. Ce que le centaure explique vaut bien sûr surtout pour le spectateur : Si les mythes semblent si « compliqués », c'est « parce qu'ils racontent des faits, et non des pensées » Médée, de Pasolini donne ainsi la part belle aux images (sorte de visions) plutôt qu'aux dialogues. La connaissance des mythes y est d'ailleurs implicite ce qui peut être déconcertant pour un spectateur non épris de mythologie grecque.
En plus de ses nombreuses coupes, Pasolini n'hésite pas à prendre des libertés sur le mythe. Par exemple l'expédition des argonautes pour la toison d'or est bien plus héroïque que celle de la bande de jeune pillards du film.
Ceci parce que l'héroïsme et les actes de bravoures du mythe n'interresse pas Pasolini, Il se concentre sur d'autres conflits : des conflits de cultures, de sexe, d'age ou encore de croyances.

Le rôle de Médée est quasi celui d'une muette, un comble pour la célèbre diva Maria Callas car c'était son rôle fétiche à l'opéra. Mais la beauté cruelle de ses traits est magnifié par Pasolini. En effet dans le film elle fascine. Médée est une sorcière dont les pouvoirs magique et la foi, sont oublié lors de son exil. Pourtant la passion de la vengeance les ranimera. Elle est une figure mythique, plus tout a fait humaine et dont la punition représente l'interdit de l'adultère pour les hommes. Pourtant, tout comme Euripide, Pasolini nous montre une Médée non exempte de sentiments. Au contraire sa passion la consume tout entière au point de lui faire commettre l'irréparable.
Quand à Giuseppe Gentile, athlète italien aux Jeux Olympique de 1968, il parvient à rester très convainquant en tant qu'acteur non professionnel. Pasolini fait de cette figure un voleur égoïste sûr de sa personne. Dragueur et peu digne de confiance, il n'a de mérite que l'amour qu'il porte a ses enfants. Comble de tout, cette héros de légende est montré par Pasolini comme un arriviste qui n'a eu qu'a tendre la main pour recevoir la toison. Peut-être en veut il à Médée parce qu'il lui doit beaucoup ? Jason chez Pasolini c'est l'homme moderne sans scrupule et qui ne croit qu'en lui. C'est le monde occidental en somme.
Pas étonnant que Pasolini ai choisi un athlète : car Jason c'est la toute puissance du corps tandis que Médée (une chanteuse d'opéra) c'est la beauté de l'esprit. Ces contraires s'attirent, s'admirent et se haïssent.
Chiron le Centaure est interprété par Laurent Terzief. Tour à tour ironique, sentencieux et se transformant en homme d'une scène à une autre, il représente la contradiction entre mythe et réalité. Le Chiron centaure est un poète à qui il arrive de mentir pour embellir les chose : c'est pourquoi il enseigne à Jason enfant. Tandis que le Chiron humain enseigne les affres de la vie adulte au jeune héros. Le film illustre cette opposition : Médée vient d'un monde ancien et magique, Jason celui de la raison. De plus ce centaure double nous fait comprendre le caractère mythique de l'homme. En effet l'homme reste une créature fascinante encore incomprise.
On comprend qu'il faut envisager le centaure comme un porte parole de la grande culture livresque de Pasolini : des citations d' auteurs comme Eliade, Jung, ou Dumésil sont faites à travers lui.

Le sacrifice, passage extraordinaire, est filmé à la manière d'un documentaire : plusieurs caméra à l'épaule avec beaucoup de mouvement. Ceci afin d'avoir l'aspect le plus réel possible. Pasolini nous invite ainsi à assister au premier rang à un rite sacrificiel de fertilité du sol. Il cherche à redonner vie à un monde archaïque où règne la magie. Les costumes évoquent d'ailleurs ceux des tribus d'Afrique. Un monde où l'homme a un rapport sacré avec la nature. D'ailleurs le film fait la part belle aux plans d'ensemble de paysages : un procédé cher à Tarkovsky. Le but est peut-être semblable : magnifier la grandeur de la nature face à la petitesse de l'homme. Ainsi, Jason et ses argonautes pendant leur aventures sont souvent filmé de cette manière. Au contraire Maria Callas est très souvent filmé de prés, en gros plan afin de souligner le feu des émotions qui la consume. Sauf lors de la scène de la perte de la foi, lorsqu'elle découvre une nouvelle terre, elle est filmé dans un superbe panoramique horizontal afin de signifier la disparition de sa grandeur.
Les décors naturels, tous très éloigné entre eux (Syrie, Cinecittà, Turquie, Cappadoce) sont assemblé comme un puzzle pour les scènes du film. On remarque que les 3 univers du métrage, à savoir Corinthe, Iolcos et la Colchide sont divisé grâce aux couleurs des costumes.

En réalisant son film il est évident que Pasolini n'était pas hermétique aux événements de son époque. Une époque troublé par la guerre froide et la bombe atomique.
C'est aussi l'époque où la société de consommation et du progrès prend d'avantage le pas sur le monde rural. Pasolini fait alors une sorte de parallèle avec l'antiquité. Le monde de Médée fait de croyance magique s'oppose à la modernité de celui de Jason. On pense ainsi à la modernité des grecs puis des romains face aux mondes barbares. Un nouveau monde sans morale dicté par les intérêts (la trahison de Jason ) contre un univers antique figé dans les rites et les croyances.
soma
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le 3 mars 2011

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soma

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