Je me souviens d’avoir vu l’affiche de ‘Médée Miracle’ en 2010 devant le cinéma sur la place Garibaldi à Nice. Évidemment, il n’est sorti qu’après mon retour ‘à l’étranger’ à Londres, mais en le regardant sur Arte Boutique 14 ans plus tard, je réalise à quel point il résonne avec l’époque que j’ai connue à Nice : la montée de l’extrême droite, la précarité et la stigmatisation - surtout contre les Roms à cette époque. L’image d’une femme seule dans un pays étranger, abandonnée par son compagnon, qui lutte pour la garde de ses enfants reste gravée dans la mémoire. Plutôt que de sombrer dans la misère et la tragédie du mythe que l’on connaît bien, le film nous montre avec légèreté qu’il est possible de choisir son propre destin.
L’interprétation d’Isabelle Huppert sauve tout, dans une réincarnation incroyable de ‘Crazy Love’ de Marianne Faithfull et Nick Cave and the Bad Seeds, se déroulant dans un cabaret mythique avec une mise en scène minimaliste en black box. Il y a vraiment des moments incontournables comme celui-ci, mais aussi des scènes de café parisien en banlieue qui résonnent, ainsi que des scènes devant des fenêtres ensoleillées à la campagne, quand la vie à Paris devient trop étouffante.
Tantôt seule, tantôt accompagnée d’une immigrée silencieuse - Marta - interprétée par Giulietta Debernardi - aide-soignante, doppelgänger, ange gardien ou dépendante de Médée ? - rien n’est tout à fait explicable, mais tout est beau à voir, en numérique et parfois en noir et blanc sublime. Belles scènes près du canal aussi.
« Viens m’aider », ou plutôt « Médée Emmaüs », pourrait être le cri de cette Médée, qui choisit d’aider les autres plutôt que de sombrer ou de détruire ceux qui l’entourent. Et même cela, ce n’est pas tout à fait clair dans cette interprétation d’Isabelle : elle nous fait rire aussi, quelle magicienne ! surtout quand elle repousse les hommes, se tortille avec une autre femme par terre ou fixe le juge tout simplement . ( On ne peut pas tous avoir sa capacité de marabouter comme Elle : )