Cette critique a pour but évident de remédier à une injustice majeure du cinéma contemporain. Comment ? On se moque de ce film ? On raille ses acteurs ? On méprise son scénario ? On traite de haut sa réalisation ? Tas d'ignorants ! Si vous regardez un tel chef d’œuvre sans être capables de le savourer, alors retournez à vos Tarantino.
Mais avant, laissez-moi vous expliquer pourquoi ce film est un monument du cinéma, pourquoi il marquera une date dans le 7ème art, pourquoi on le mentionnera aux côtés de Citizen Kane ou de Naissance d'une nation.
Le but évident du réalisateur est de déconstruire l'illusion référentielle. Le cinéma n'est qu'illusion, et Jack Perez, avec son talent inimitable, s'efforce de nous en convaincre.
D'abord, ça passe par le scénario. Vous croyiez tous qu'un tel ramassis d'erreurs était involontaire ? Que c'était une preuve de bêtise ? Mais non, sombres idiots ! Perez veut nous montrer que tout scénario, même les plus réalistes, ne sont qu'inventions. Que tout est faux à partir du moment où c'est de l'art. Alors, on multiplie les invraisemblances au point que même les plus aveugles sont obligés de se rendre à l'évidence. Prenons un exemple : à la fin de la séquence d'ouverture, on quitte les passagers d'un petit sous-marin alors qu'ils sont dans une situation délicate, en grand danger. N'importe quel tâcheron aurait inventé une fin de scène pour nous montrer comment ils se sortent de ce péril imminent. Mais Perez, non. Tout cela est trop artificiel pour lui. Pour dénoncer les mensonges du 7ème art, il nous fait une sublissime ellipse et nos personnages, sans la moindre explication, se retrouvent 3000 km plus au Sud (de l'Alaska à la Californie, ça fait 3000 bornes, non ?), dans une voiture (et non plus dans un sous-marin) et en parfaite santé.
ça, c'est pour le scénario. Mais il faut mentionner aussi sa façon de créer de la déception chez les spectateurs. Vous attendez un film avec de gros monstres ? Vous attendez des effets spéciaux ? Mais vous vous croyez où ? On n'est pas chez Spielberg ici ! Alors, juste pour s'amuser avec ses spectateurs, on ne va quasiment jamais montrer les deux monstres du titres ; et quand ils seront à l'écran, ce sera dans les profondeurs marines, c'est-à-dire dans le flou et le noir. En gros, si vous voulez voir les monstres, regardez l'affiche, et laissez-nous tranquilles.
Et n'oublions pas le jeu des acteurs. Alors, comme ça, quand un acteur est inexpressif chez Ingmar Bergman ou Antonioni, c'est génial, et quand il est inexpressif chez Perez, c'est nul ? ça frôle la discrimination... Alors que la direction d'acteur est tout simplement exceptionnelle. Une fois de plus, le génial cinéaste nous montre l'envers du décor, il atomise l'illusion cinématographique. Il prend trois acteurs, leur donne une blouse blanche et cinq fioles avec du liquide coloré, et il tient plus d'une demi-heure de film ! On passe de longues minutes à admirer des comédiens exemplaires qui regardent du liquide rouge, bleu ou vert en faisant semblant d'être confiants ou inquiets. C'est bien simple, on croirait du Rohmer !
Je n'espère pas vous avoir convaincus : il n'est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Et, de toute évidence, vous ne voulez pas voir le chef d’œuvre moderne sous son apparence de nanar. Rustres !