La plus grande arnaque aura consisté à vendre le film — en réaction aux critiques cannoises qui s'étonnaient à juste titre à quel point le récit était mal branlé — comme un objet expérimental qui ne pouvait que dérouter ceux qui s'attendaient à du Parrain ou à du Scorsese.
Sauf que l'expérimental, ce n'est pas simplement la négativité d'une structure narrative bien construite. Et que de l'expérimental, le film en est strictement dépourvu : c'est une succession de saynètes convenues et mal articulées, aux dialogues ridiculement pédants — j'ai d'ailleurs très vite arrêté d'y faire attention, mais le problème c'est qu'il n'y a pas grand chose à voir non plus — bombardées dans un montage et un coloris clipesques venus maquiller la vacuité intégrale du discours et la paresse du traitement de son sujet. Le film parle d'un urbaniste préparant l'avènement d'une ville visionnaire ; on ne saura jamais de quoi il s'agit, la parole étant toujours vaseuse et confuse, sinon qu'il y aura des escalators en or et des espaces verts ; on ne saura pas non plus quelle est la particularité du matériau au coeur du projet.
On s'en moquerait si le fil narratif n'était qu'un prétexte, mais ce n'est pas le cas, Coppola reste dans un format tout à fait hollywoodien, balisé comme il faut, et le caractère ténu de ce fil ne s'explique non pas par un débordement de la forme mais par la seule paresse de son auteur, cinéaste mégalomane fatigué qui n'a rien à dire et rien à faire voir.
On vend cette catastrophe industrielle comme de la liberté artistique ; j'y vois surtout un privilège de nabab.
On dirait du Carax qui aurait mal tourné : superficiel dans le discours, boursouflé, misant tout sur des aménagements de décors. Sauf qu'entre Annette et Megalopolis, il y a un gouffre : le premier regorge d'une poésie noire et macabre sidérante, provoquant finalement un déluge d'émotions ; le second ne suscite qu'ennui, indifférence (et c'est ce qui est impardonnable : la tiédeur qui émane de ce capharnaüm), voire mépris devant fatuité si mal placée.