Pâté en croupe
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Mektoub, My Love suit le regard d'Amin. Amin est jeune et beau, comme les autres personnages du film, mais il est en décalage total. C'est un observateur. Il ne vit pas comme les autres, et en un sens il ne doit pas les comprendre vraiment. Il les admire, pour leur beauté et leur spontanéité, leur épicurisme, leur naïveté et leur simplicité. Mais leurs plaisirs charnels et sensoriels le dépassent, il laisse passer les filles à côté de lui sans jamais passer à l'action, tel le baiser volé de la mannequin russe qu'il abandonne tout de suite pour repartir errer sur la plage. Il préfère faire de la photographie, écrire des scénarios de science fiction, et regarder des films d'auteur en noir et blanc. On pourrait croire qu'il y a des questions et des réflexions qui tournent en boucle dans sa tête mais il ne les partage avec personne. On ne peut que supposer car il ne parle jamais de lui : il est l'oreille et le conseiller des autres qui envahissent tout l'espace.
Amin par ailleurs ne passe jamais à l'action. En quête naïvement d'une intrigue dans le film, on arrive assez rapidement à la conclusion qu'il aime secrètement la belle Ophélie, son amie d'enfance. A plusieurs moments, on espère, on attend le moment où il va déclarer son amour pour elle. Mais en vain. Il restera un acteur passif tout au long du film.
Ce qui marque dans ce film de quasiment 3h est la pauvreté des dialogues. On reste dans une superficialité totale pendant toute la durée du film. Aucune réflexion, aucun questionnement, que des ragots et des dialogues de tous les jours sans grand intérêt. Les personnages rient et boivent, dansent et jouent, et voilà. On est dans du pur sensoriel. Amin observe ce ballet de loin, tout en en faisant partie par sa présence quasi muette. La caméra suit son regard, ou parfois simule un regard même quand il n'y a personne, surtout pour descendre sur le corps des filles.
Les scènes sont très longues, on ne sait plus au bout d'un moment si on s'ennuie ou si on est immergé dans leur monde simple et fantasmé par des hommes où les filles sont belles, souriantes et faciles. On perd la notion du temps telles les vacancières Charlotte et Céline qui évoquent 2 semaines de vacances, alors qu'on a l'impression que le film doit se dérouler sur une durée bien plus longue pour être cohérent. Qui a le temps de se trouver, de s'aimer, de se déclarer, de s'ennuyer, de se disputer, de s'abandonner, de se retrouver sur 2 petites semaines ?
Au final, c'est un film sur une vie simple, une vie de tous les jours pour des gens simples, portés par de jeunes acteurs lumineux qui font la force du film. On en ressort toutefois sans réflexion et sans émotion, comme si on avait espionné nos voisins exhibitionnistes pendant 3h. On s'est immergé dans une parenthèse de vie qui n'est pas la nôtre, dans un film qui n'est pas banal, mais pas transcendant non plus.
Créée
le 25 mars 2018
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