Lars Von Trier a vraiment tapé fort avec Melancholia. En partant du postulat qu'une planète cachée pourrait entrer en collision fatale avec la Terre, il superpose cette circonstance avec un mariage tournant au fiasco au sein d'une famille dysfonctionnelle (les scènes rappelant le Festen de Thomas Vinterberg,l'autre acolyte du Dogme). Le réalisateur danois,dès le début du film, ménage une ambiguïté sur l'influence du rapprochement planétaire sur les êtres,leurs actions ( retard des mariés à l'église avec la limousine ne pouvant manoeuvrer entre autres) et la vraie réalité des choses ( ces gens en posture se lançant des piques,jouant un rôle purement figuratif). L'incongruité, le malaise et le fantastique ne cesseront alors d'alimenter l'atmosphère savamment orchestrée.Le génie de Lars Von Trier est de faire naviguer le spectateur entre voyage émotionnel et expérience planétaire hors du commun.
Ensuite, l'intérêt du film réside entre la relation entre les deux soeurs,Justine et Claire, tour à tour proches,distantes, sur la même longueur d'onde,fortes, dépassés ou dépressives. La structure même du film qui donne une première partie à Justine et une deuxième à Claire, paraît aussi un prétexte narratif pour donner une individualité à chaque soeur alors qu'elles n'en n'ont plus vraiment. Tout au plus, elles deviennent des vecteurs d'émotions dissonants, entrant en collision comme la Terre et Melancholia. Le paradoxe voulant qu'elles soient interconnectées en pleine confusion, à l'image des deux planètes.
La fin de Mélancholia n'est pas vraiment une surprise car Lars Von Trier a voulu,semble-t-il ,que le paroxysme situationnel l'emporte sur la logique factuelle. En tout cas, le film ne laissera pas indifférent car complexe, à la limite de l'hermétique et emprunt d'une certaine manipulation. Sous ces allures débonnaires d'homme n'aimant pas l'avion et venant au Festival de Cannes en camping-car (alimentant aussi sa légende personnelle), Von Trier a continué à repousser les limites de son propre cinéma avec une maîtrise certaine et une inspiration insolente.
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le 16 nov. 2014

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