Deux sœurs, deux corps célestes, deux parties jointes par une introduction qui officie également comme conclusion. Melancholia est un film circulaire, où les lentes rotations des planètes et les fuites croisées des héroïnes se conjuguent pour accoucher d'un Ragnarök cosmique et intérieur.
Il est loin le temps où Lars Von Trier s'inscrivait dans le vœu du Dogme95. Si la réalisation caméra à l'épaule reste son approche favorite, il fait la part belle aux plans larges soignés, majestueusement éclairés, habillés de Wagner. Melancholia recèle des joyaux visuels, qui ponctuent une réalisation intime sans être étouffante.
Chaque partie est dédiée à une sœur.
La première se concentre sur la soirée de mariage de Justine, incarnée par l'époustouflante Kristen Dunst. Quoique s'ouvrant sur une scène cocasse, ce chapitre est celui qui nous fait le plus toucher du cœur la chape de plomb qu'est la dépression dans ce qu'elle a de plus affreux : la sensation de vide. Piégée dans une réception d'une loufoquerie sans joie et parsemée de comportements absurdes, baignée dans une torpeur glacée et anesthésiante, Justine se débat intérieurement pour parvenir, parfois, à expulser sa tristesse, sa colère. Mais c'est toujours la déliquescence de son âme, de son esprit gagné par un néant abrutissant, qui gagne du terrain.
On la retrouvera dans la seconde partie, hébétée, réduite à peau de chagrin. Centré sur sa sœur Claire, interprétée par une effacée mais juste Charlotte Gainsbourg, ce chapitre narre l'épilogue de la Terre, qui voit inexorablement l'astre Melancholia se rapprocher dans une danse gravitationnelle mortelle. S'opère alors un renversement de forces. Alors que Justine, atteignant le stade clairvoyant de la mélancolie semble se nourrir de la proximité de l'objet cosmique, Claire perd peu à peu pied face à l'inéluctable qu'elle pressent intuitivement, malgré les dénégations de son époux.
Melancholia fait la part belle aux images et à l'interprétation de ses actrices plutôt qu'à un scénario de fin du monde allégorique simple, sans surprises. Si la première partie, malgré ses quelques défauts curieux, m'a emballé, il m'a fallu un peu plus de temps pour m'imprégner de l'atmosphère ténue du second volet, qui offre cependant une poignée de minutes finales grandioses et marquantes.