Le fond des chiottes a une forme ravissante
Que donnent donc les enfants spirituels de Jacopetti et Deodato (influences revendiquées) ? Je dirais que les chiens ne font pas des chats, mais les enfants peuvent avoir un certain talent. (même dans les ordures)
Si Marian Dora ne s’attellerait pas à obscurcir sa réputation de cinéaste dans ses interviews, avouant à demi-mots tuer des animaux pour le besoin de ses films - ce qui est peu probable au vu du montage et des valeurs de plans, le procédé de l’illusion semble respecté (contrairement à Deodato) - sans doute son talent serait connu d’un plus grand nombre. Pourtant, je ne crois pas que ce soit la raison pour laquelle Marian Dora souhaite préserver son anonymat, pas même en rapport avec les scènes extrêmes présente dans le film. En fait, je crois que le réalisateur Allemand est très conscient des valeurs morales et politiques qu’il prône dans « Melancholie der Engel » et pense certainement qu’il n’est pas judicieux d’assumer publiquement un satanisme militant.
Les protagonistes masculins sont des incarnations de l’ange déchu, défiant le créateur en inversant les valeurs du jugement sur la violence, mais plus largement, sur tout ce qui relève du vivant, à savoir : le plaisir et la douleur, fruit des mêmes bases : animalité, émotion, toucher, etc. Le film prône la désocialisation de l'être humain au profit de son animalité pure, le social-darwinisme, le plaisir contre l’autre, la douleur comme élément primordial de la vie. Le message est assez explicite : les lois de la nature supplantent celles de l'animal social humain, qui est enfermé dans des règles morales qui castreraient son destin, ses envies et sa volonté. D'un point de vue narratif, « Melancholie der Engel » est pensé pour que le spectateur soit en empathie avec les deux bourreaux, ce qui justifie l'idéologie controversée du long-métrage.
On peut pressentir que Marian Dora est un homme cultivé, dont les références littéraires ne sont pas le fruit d'une prétention déplacée.
« Melancholie der Engel » est empreint d’une poésie macabre fascinante. Tout à un sens littéraire ou poétique dans ce qu’il nous montre, y compris le fait de nous confronter de manière insistante à des insectes en gros plans, l’être vivant faisant office de dernière compagnie des morts, dont ils s’empresseront de dévorer les chairs...
D’un point de vue formelle, le film est un peu l’exact inverse de ce qu’un homme ayant un minimum de foi en l’humanité peut penser du fond. Une tuerie (sans mauvais jeu de mots). Tournée en Video 8 (8 mm), l’esthétique laisse à penser qu’on visionne une bobine des années 70, ce qui lui donne un certain charme. Mais surtout : c’est résolument très bien filmé, ce qui peut être difficile à croire pour une série Z sans budget et évoluant dans le cinéma trash allemand. Monsieur Dora est idéologiquement ordurier, mais il sait tenir une caméra.
Le montage est particulièrement soigné, ce qui contribue – entre autres – à rendre le film agréable à suivre. D’ailleurs, c’est ce même montage de qualité qui ne me fait pas croire aux supposés assassinats d’animaux. Déjà, le lézard est clairement faux, quand il décapite le lapin au couteau, il n’y a pas sang et le bruit fait clairement penser à du tissu, concernant le chat, on lui a simplement mis du faux sang (on le voit bouger sur un plan large.) Reste la scène du porc dont je doute qu’il ait été sacrifié pour les besoins du tournage, le découpage et les valeurs de plans laisse plutôt présager le respect de l’illusion (et des animaux). Les scènes sont pensées et réfléchies, le maître à bord n’est pas un tâcheron, il soigne un minimum son travail, avec un minimum de budget. J’ai rarement vu une telle qualité formelle dans le registre du Z fauché (jamais, en fait).
Contrairement à sa réputation, le film n’est pas une succession de scènes extrêmes (il y en a pas mal quand même, mais je m’attendais à pire), c’est majoritairement un film assez ésotérique et hypnotique, largement amplifié par une bande son très bien senti, elle est parfaitement adaptée aux images, que ce soit dans les moments « normaux » ou quand la terreur survient. Étrangement, le film se laisse regarder malgré une durée de 2 h 40, je me suis même surpris d’être allé jusqu’au bout sans trop m’ennuyer…
Pour un public très averti. Idéologiquement méta-fascisant et sataniste, formellement prodigieux.
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Créée
le 4 mars 2023
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