Il y a bientôt vingt ans, Claude Barras réalisait son premier court-métrage d’animation : cinq petites minutes à l’allure expérimentale pour
un film minimaliste
au scénario simplissime où l’artiste plasticien jouait principalement sur le montage et le point de vue.
Dans un décor construit entre les déformations impressionnistes de la perspective et l’imposition massive d’un expressionisme brut, le jeune dessinateur impose
un style original
pour narrer l’inquiétude amoureuse de son personnage fragile sur un crescendo appuyé.
Mélanie ! Reviens, je t’aime !
Perturbé par l’absence, le visage de papier ne trouve pas le sommeil et s’extirpe nerveusement de son isolement pour sortir crier son amour dans une nuit d’ellipses : la mise en scène se rapproche de plus en plus près dans un découpage grossissant rythmé façon Michel Gondry, jusqu’à ce qu’une douce temporisation en voix-off dise
le poème de l’anxiété
dans une ultime réduction du regard en caméra subjective. Il y a dans la tentative de déroute du spectateur l’intelligence précoce d’un cinéaste qui a compris la règle du jeu narratif autour du décalage, ce qui ne peut que séduire un public adepte du voyage, heureux de se laisser manipuler quand l’amusement mène à l’art. Ou l’inverse.
La petite boite à musique qui clôt l’essai vient alors renforcer
l’impression ludique généreuse
sans autre ambition que ce doux divertissement. Et l’anecdote formelle du premier pas préfigure alors toute la poésie minimaliste et tangible qui hantera les futurs travaux de l’artiste.