L’année 1963 vit naître un grand film français, époque où le cinéma tricolore savait encore faire de très bons films très régulièrement avant qu’il ne décline jusqu’à son relatif redressement actuel.
"Mélodie en sous-sol" a beau avoir un demi-siècle, force est de reconnaître qu’il n’a absolument pas vieilli. Certes ce film est en noir et blanc, mais cela aide le spectateur à mieux s’immerger dans l’ambiance fleurant bon les années soixante. Henri Verneuil signe ici une mise en scène parfaite, bien aidé par l’énorme charisme de Jean Gabin dans son rôle de prédilection de vieux briscard au caractère bien trempé, l’inspiration géniale d’Alain Delon et cette multitude de seconds rôles sans qui ce film ne serait pas ce qu’il est, comme Maurice Biraud, Jean Carmet, Viviane Romance, ou encore Henri Virlojeux pour ne citer qu’eux. Bien qu’Alain Delon osa le pari de ne pas prendre de cachet car la MGM (qui participa à la production) se contentait de Jean Gabin comme seule tête d’affiche, il bénéficie de ma mention spéciale tant il est parfait en ce voyou sans scrupules, ce chien fou quasiment incontrôlable mais qui sait ce qu’il veut. Ayant négocié sa participation au film contre les droits perçus dans certains pays étrangers, le succès rencontré par le film autour du globe suffit à combler avantageusement ce pari. Le fait est que son comportement est très bien mis en valeur par la superbe partition orchestrale de Michel Magne et ce dès sa première apparition (la musique clinquante étant à l'image du personnage et qui sera déclinée en thème principal), cette musique entêtante qui porte merveilleusement tout le film que je me régale à visionner avec le son à fond.
Parfois espacés par de longues scènes sans paroles, on ne présente plus les dialogues génialissimes de Michel Audiard, toujours aussi plaisants, bien que bizarrement soft : quasiment pas de grande joute verbale et peu de bons mots. Cependant, quelques répliques sont encore ici devenues cultes.
Le tout conjugué donne un résultat exceptionnel pour un film de casse à la française. Car le film est du même tonneau que la préparation du cambriolage : préparation chirurgicale, mécanique simple, bien rôdée et huilée. "Mélodie en sous-sol" reste encore aujourd’hui une référence dans le genre, et le restera à jamais, d’autant plus que le suspense est formidablement entretenu par Henri Verneuil pour un final qui n’a pas fini de surprendre pour ceux et celles qui ne connaissent pas encore ce long métrage incontournable. Le plus fort, c’est que le spectateur se prend de sympathie pour les braqueurs.
Mon avis est donc le suivant : du très grand Henri Verneuil (réalisation), de très grands Jean Gabin et Alain Delon, un très grand Michel Audiard (dialoguiste), un très grand Albert Simonin (scénario), un très grand Michel Magne (compositeur), et un très grand Louis Page (photographie), pour un chef d’œuvre du genre.