Mélodie en sous-sol, 1963, réalisé par Henri Verneuil, avec Jean Gabin, Alain Delon et des dialogues d'Audiard.


Histoire :

Gabin incarne Charles, un braqueur expérimenté, désabusé par la vie, tandis que Delon joue Francis, un jeune criminel ambitieux et impétueux. Ce duo intergénérationnel donne vie à un récit marqué par des dialogues incisifs et une tension constante. La musique de Michel Magne, en parfaite harmonie avec l’atmosphère du film, renforce encore le climat de suspense et de mélancolie.

Le film suit Charles, récemment sorti de prison, qui décide d’organiser un dernier grand coup : le braquage du coffre-fort d’un casino à Cannes. Pour l’aider, il s’associe à Francis, un novice à la fois sûr de lui et irrévérencieux. Leur plan, méticuleusement élaboré, aboutit à un succès apparent : ils s’emparent du butin et le cachent dans une piscine vide en attendant de le récupérer. Cependant, le retour inattendu du propriétaire de la maison, qui vide la piscine, fait échouer leur entreprise. Le butin est retrouvé par la police, scellant leur défaite.

La fin, amère et ironique, renverse les attentes des spectateurs. Malgré leur ingéniosité et leur préparation, Charles et Francis se retrouvent face à l’implacabilité du hasard. La police les recherchant, Francis est contraint de cacher le magot dans la piscine et les billets remontent alors à la surface, à la vue de tous : Les billets flottant dans l’eau deviennent une métaphore éclatante de la fragilité des ambitions humaines face à un hasard implacable. Cette conclusion, amère, inscrit le film dans la lignée des œuvres qui mêlent tension dramatique et réflexion existentielle.


Philosophie :

Le fossé générationnel et les ravages du temps.

L'inaptitude de la volonté à faire advenir ce pour quoi elle travaille, le hasard nécessaire, l'implacable fatalité et la contingence générale du monde.

Charles (Jean Gabin) incarne l’homme vieillissant, expérimenté, et marqué par une vie de crimes qui n’a jamais véritablement payé. Il est résigné, pragmatique, et voit le cambriolage comme une ultime tentative de donner un sens à son existence avant de disparaître. Francis (Alain Delon), au contraire, symbolise la jeunesse impulsive et ambitieuse, croyant encore en la possibilité de dominer le destin grâce à son audace et sa modernité.

Leurs différences reflètent une vision philosophique du temps :

Charles est un homme du passé, conscient de l'échec inévitable des entreprises humaines.

Francis incarne l'illusion d’un futur maîtrisable, dans lequel tout semble possible.

La confrontation entre ces deux visions du monde souligne l’inéluctabilité de l’échec, et la transmission amère d’un savoir désillusionné d'une génération à l'autre.


Mélodie en sous-sol explore aussi un paradoxe central : l’homme cherche à maîtriser son destin par la rationalité et la planification, mais le chaos finit toujours par s’immiscer. Le film devient alors une réflexion sur la condition humaine, coincée entre l’illusion de contrôle et la réalité d’un monde chaotique


Camus et l'absurde :

La philosophie de l’absurde, développée par Camus dans Le Mythe de Sisyphe, s’applique directement à l’histoire de Charles et Francis. Le film met en scène des personnages qui consacrent toute leur énergie, leur intelligence et leur créativité à l’élaboration d’un plan complexe, uniquement pour voir leurs efforts anéantis par un événement imprévisible : le remplissage accidentel de la piscine. Cette scène finale, où les billets flottent à la surface de l’eau, symbolise l’indifférence du monde face aux ambitions humaines. À l’instar de Sisyphe, condamné à rouler éternellement son rocher en haut de la montagne, Charles et Francis réalisent que leurs actes, bien que brillamment exécutés, sont vains. Cependant, comme Camus le suggère, il reste une forme de dignité dans cette absurdité : Charles, bien qu’abattu, semble accepter son sort avec une résignation stoïque, conscient qu’il ne pouvait échapper à l’absurde.


Lucifug3
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le 26 janv. 2025

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