Mémoires d'une geisha est un très beau film se déroulant au Japon plus précisément dans le quartier des geishas de Kyoto (hanamachi). Le film offre des images splendides nous faisant découvrir un Japon traditionnel des années 1940. Personnellement, il m'a permise de mieux comprendre le concept de "geisha" qui était très large et assez vulgarisé dans mon esprit (un peu comme dépicté par la deuxième partie du film suite à l'arrivée de l'Occident et son appropriation de cette culture). J'ai trouvé les acteurs très bons. Cependant, je trouve cela dommage que le film ait été interprété en anglais et non en Japonais. Je me doute cependant qu'en 2005 il aurait été difficile pour un film produit par les Etats-Unis et qui se voulait tout public d'arriver à s'imposer avec la "barrière" des sous-titres. (Heureusement, depuis récemment les films asiatiques non-doublés sont de plus en plus démocratisés).
En ce qui concerne l'histoire, nous suivons les (més)aventures de Chiyo (renommée Sayuri) qui vendue, ainsi que sa soeur, par son père se retrouve dans un Oika (maison de geisha) contre son gré. L'histoire retrace la survie de cette jeune fille, loin de chez elle et sans repaires, dans un monde peuplé et dirigé uniquement par des femmes. Pour un film de l'époque (et malheureusement actuellement toujours) cela reste très rare et le réalisateur reste malgré tout un homme (Rob Marshall).
Pour ma part, je n'ai pas trop ressentis le fait que ce film avait été réalisé par un homme, j'ai surtout ressentis le fait que ce film avait été réalisé pour le grand public. - Note que ce film est une adaptation d'une nouvelle que je n'ai pas lue et il se peut donc que ce biais vienne en fait directement de la nouvelle. - En effet, bien que traitant d'un sujet sensible: les geishas au Japon et les traditions qui peuvent sembler barbares pour des occidentaux (nottament la vente du Mizuage d'une geisha - à savoir sa virginité), on tombe encore et toujours malheureusement dans une histoire dont le point central est une histoire d'amour entre un homme et une femme.
Cette histoire étant destinée au grand public, se termine évidemment bien malgré la guerre, malgré les trahisons et je trouve cela un peu trop "facile" et retire une partie de la beauté du film car on perd en réalisme.
Chiyo, enfant esclave d'une oika, trouve sa vocation grâce à un homme (de bien 20 ans son aîné) qui lui dit de sourire à la vie en lui offrant une glace. Voici le point central du film qui reste un beau message. Chiyo n'aura ensuite qu'un seul voeux, le plus cher, de re-rencontré cet homme qui, d'après le déroulement du film, est le seul homme dans sa vie à ne lui avoir jamais donné de l'attention et de l'affection. De cette démonstration d'affection nait un amour pour cet homme, qui ne disparaitra pas malgré que Chiyo grandit (l'éternel amour pour le prince sauveur au cheval blanc). Un amour qui, vraisembablement, ne donnera jamais naissance à une relation - car cet amour est imaginaire et est presque plus paternel que passionnel. Cependant, la romantisation de l'histoire fait que, bien sûr, l'homme a aussi et toujours ressenti quelque chose pour Chiyo (bien que leur rencontre ce soit produite quand elle n'avait qu'une dixaine d'années). C'est aussi grâce à lui que la vie de Chiyo a changé pour le mieux et qu'elle deviendra geisha réalisant son plus grand rêve: devenir une geisha lui "appartenant". C'est là où, selon moi, le bât blesse. L'histoire d'une fille/femme qui avait réussi à se débrouiller seule et, avec l'aide des femmes qui l'entourent,à devenir une femme forte n'a en fait accompli tout cela que car un homme lui en a offert la possibilité - uniquement parce qu'il la désirait. Je trouve que l'on perd un peu du charme du film avec ce "plot-twist" de fin et que cela n'était pas nécessaire. Les deux amoureux auraient tout aussi bien pû se retrouver à la fin du film et s'avouer leur amour mutuel sans qu'obligatoirement toute la vie de Chiyo ait enfait été aiguillée par l'aide de cet homme. Je trouve cela d'autant plu dérangeant que cela signifie que cet homme, venu en aide à une jeune fille de 10 ans, ait ensuite mit tout en oeuvre pour qu'elle devienne sienne lorsqu'elle sera devenue femme.
Un autre aspect du film qui lui est très intéressant réside dans le personnage de Hatsumomo, détestable mais pourtant auquel on arrive à s'identifier (comme Chiyo l'explique aussi à la fin de la première partie du film). En effet, malgré les attitudes cruelles et méchantes de Hatsumomo, le film arrive à donner une perspective au personnage et à le rendre plus complexe. On comprend que tout comme Chiyo, Hatsumomo a probablement été vendue par ses parents et forcée à devenir une geisha. Rencontrant un succès énorme et étant interdite d'aimer librement la seule chose à laquelle Hatsumomo tient vraiment est sa notoriété, elle est donc prête à tout pour rester la plus belle et vénérée des geisha. C'est pourquoi au lieu de tendre une main à Chiyo qui traverse la même épreuve qu'elle, elle préfère la descendre plus bat que terre, voyant qu'elle représente une menace. Dès lors, le spectateur déteste Hatsumomo mais arrive à la comprendre, donnant à ce "villain" de l'histoire une personnalité entière.
Ce film reste tout de moins très bons et traîte de sujets intéressants:
- le Japon traditionnel qui voit sa culture ébranlée par l'arrivée des occidentaux après la guerre
- le sentiment de jalousie entre femmes qui se tirent vers le bas au lieu de se soutenir dans des situations de difficultés
- la perte de repaires et l'acceptation et l'appropriation de son destin
- le côté maternel froid et dur qui ne veut que la réussite qui est représenté par Mother et le côté maternel doux et tendre qui se veut réconfortant représenté par Auntie et Mameha.
Et j'en passe, je vous recommande donc fortement de le voir si ce n'est déjà fait.