Après avoir vu Get out (qui selon mon avis personnel reste un remake de La porte des secrets de Iain Softley) et Us de Jordan Peele, j'étais impatiente de retourner au cinéma voir son nouveau film sobrement intitulé: Nope.
Tout d'abord, et ce dès son premier film, parce que Jordan Peele est entré dans le cinéma d'horreur en s'appropriant le genre. Pour un homme qui était à la base comédien j'imagine que ça n'a pas dû être facile mais le défis à été largement remporté. J'aime beaucoup l'approche qu'il prend dans ses films: le spectateur arrive à se mettre à la place des protagonistes et à ressentir leurs angoisses. Jordan Peele arrive en effet a dépeindre des scènes de vie et inclus toujours un trait humoristique même dans les moments angoissants rendant les scènes un peu plus "réelles". Arriver à rire et être terrifiés en même temps témoigne du prodige de ce réalisateur.
En ce qui concerne Nope, j'ai beaucoup aimé le fait que ni le titre ni la bande-annonce (je n'en ai vue qu'une, au cinéma car je n'avais pas le choix) ne laisse transparaître grand chose quant au thème du film. Me doutant que telle était l'intention de J. Peele, j'ai évité tant que possible d'avoir quelque information que ce soit concernant le film, histoire d'être totalement surprise une fois devant. Et ça n'a pas manqué. Bien que le peu de bande-annonce que j'ai vue et la localisation du lieu mit en scène m'aient un peu mit la puce à l'oreille je restais loin de m'imaginer quelle tournure ce film allait prendre.
Encore une fois, Jordan Peele explore un thème cinématographique largement exploité, vu et revu, et arrive à lui donner une image fraîche et nouvelle. En effet (spoiler ahead), le fait que le film parle d'un UFO (ovni) (renamed PAN apparemment) qui est en fait un animal à part entière relève (selon moi) du (presque) jamais vu. Ce qui m'a surtout épaté, est la forme que J. Peele a donné à cet extra-terrestre. J'étais déjà sorti de Arrivals (de Dennis Villeneuve) en me disant "enfin un réalisateur qui n'imagine pas des aliens comme des bipèdes à forme humaine" - bien que se tenant encore une fois "debout" - ici, Jordan Peele va encore un cran plus loin. Il crée un alien qui d'abord a la forme d'un ovni comme dépicté dans la plupart des films qui traitent d'alien et qui ensuite, tel un pokémon, évolue en plusieurs formes atteignant une forme finale semblable à une méduse faite de grandes voiles. J'ai trouvé cela tout bonnement épatant et franchement beau à voir.
Pour traiter plus en profondeur du sujet du film, je trouvais la mise en scène et la chronologie assez bien faite. Le film commence par une scène audio pendant que les maisons de production défilent. Cette scène n'a alors pour le spectateur pas trop de sens et met en lumière un événement dramatique s'étant produit lors du tournage d'une sitcom dans les années 90. Ces événements seront plus tard expliqués plus en longueur par Jupe qui était présent lors du drame. La juxtaposition des scènes se déroulant dans le présent et les scènes s'étant déroulées dans le passé permet au spectateur de comprendre les deux approches différentes qu'auront les deux "principaux" protagonistes du film face à l'"alien" (surnommé Jean Jacket par OJ). Jupe a vécu un moment traumatique dans son enfance lorsque le chimpanzée qui tournait dans sa série péta un cable blessant et tuant plusieurs personnes. Cependant, il en est sorti indemne et cet événement lui a permis d'être célèbre et connu du public. Il sait donc que de travailler avec un animal sauvage, peu importe les conséquences, a du succès et rapporte de l'argent. De plus, il a survécu à cet incident et pense problablement donc pouvoir facilement "dompter" (ou être protéger) des animaux dangereux. Dès lors, lorsque l'alien débarque à proximité de son parc d'attraction, il en saisit l'opportunité pour se faire du profit, croyant pouvoir dompter l'animal facilement. Ce qui lui coûtera la vie ainsi qu'à toute sa famille. OJ, lui, a été élevé dans un ranch et à donc l'habitude de travailler avec des animaux sauvages. Il sait que les animaux doivent être traités avec respect et que chaque animal a des "règles de sécurité" qu'il faut respecter si l'on ne veut pas être blessé/tué. Il prend donc une approche différente vis-à-vis de l'alien, le traitant avec respect et en obéissant aux règles. Ce qui lui permet à lui et à sa soeur de survivre.
Quant à la mystique chaussure que l'on voit dans la scène dramatique du sitcom ainsi que dans la galerie de Jupe et qui réapparaît plusieurs fois au cours du film, une théorie s'accorde à dire qu'elle ferait partie d'un "bad miracle". En effet, cette chaussure se tenant seule debout est étrange et presque surnaturel. Cette étrangeté attirera le regard du jeune Jupe tandis que le chimpanzé s'acharne sur ses co-stars. Le fait de ne pas regarder le chimpanzé dans les yeux pendant son excès de folie est probablement ce qui permis à Jupe de s'en sortir. Il ne regardera le chimpanzé dans les yeux que lorsque celui-ci se sera calmé, le primate s'approchant alors sans agressivité de lui. Cet événement donnera aussi un faux sentiment de sécurité à Jupe lors de sa rencontre avec l'"alien".
Comme toujours dans les films de J. Peele, l'aspect social y est encore mis en lumière. Ici, on met en avant l'oubli dans lequel est tombé la première personne de couleur étant apparut sur le tout premier film jamais filmé alors que tout le monde se souvient de son inventeur. Et de la difficulté pour une famille noire de se faire un nom dans un business qui selon la société est maîtrisé exclusivement par des personnes blanches.
De plus, après que OJ et sa soeur aient compris à quoi ils avaient affaire: un ovni/allien, au lieu de fuir et prévenir les autorités ceux-ci préfèrent essayer d'en tirer profit. Ceci peut être une tentative du réalisateur de démontrer le manque de confiance qu'ont les protagonistes envers les autorités/la police et être une critique de la société capitaliste où pour survivre on n'a pas le choix mais que de se faire de l'argent, peu importe le moyen.
Une fois de plus l'aspect social est donc présent mais sans être accusateur ou omniprésent. Complétant une balance bien maintenue tout au long du film.
Ce troisième film de Jordan Peele continue donc sur sa lignée et remplis ses promesses allant cette fois dans une autre direction ce qui ne m'a pas dérangé. Je peux cependant concevoir que ce troisième film est peut être un peu moins "accessible" au grand public et qu'il ne fera pas l'unanimité.